Nous vivons tous des situations dans lesquelles nous avons l’impression de revivre éternellement la même chose : même émotion désagréable, même histoire relationnelle insatisfaisante, même discours intérieur qui revient,... Dans ces moments, il est courant de blâmer les circonstances, l’autre, le hasard. Mais il arrive que cette répétition soit le fruit de notre propre fonctionnement. De nombreuses théories différentes tentent d’expliquer ce phénomène. Dans cet article, j’aimerais vous présenter la théorie des schémas précoces inadaptés (SCI).
Impact des schémas précoces inadaptés dans la vie professionnelle
Dans la lignée d’Alfred Adler et Aaron Beck qui se sont intéressés aux schémas cognitifs avant lui, le Dr Jeffrey E. Young - psychologue américain - développe dans les années 80 la schémathérapie. Dans le but d’élargir les modèles utilisés dans les TCC à cette époque à des cas de troubles de la personnalité, Jeffrey Young centre son travail sur les schémas cognitifs développés dans l’enfance.
Avec la schémathérapie, il considère que, suite à la frustration de ses besoins affectifs fondamentaux, l’enfant peut développer un ensemble de croyances dysfonctionnelles et durables sur soi, autrui et le monde. Il les appelle schémas précoces inadaptés (SPI). Les SPI sont renforcés ensuite par les expériences difficiles rencontrées au cours de la vie de l’individu et s’activent dans des situations spécifiques souvent sans rapport direct avec les contextes initiaux dans lesquels se sont créées ces croyances.
Cette résonnance avec le passé, qui agirait comme un moule contraignant nos actes présents, revient souvent en séance de coaching ou même en formation: « pourquoi suis-je comme ça ? je ne comprends pas ce qui a pu m’amener à réagir de cette manière ? j’ai l’impression d’avoir toujours été comme ça ! » Et la personne repart généralement frustrée car trouver des réponses à ces questions n’est pas l’objet d’un coaching ou d’une formation. Cependant, je comprends la demande et j’écris cet article pour apporter un chemin de réponses.
En effet, quand le client veut travailler sur la connaissance de soi et qu’il trouve difficile de mettre des mots sur ce qu’il veut, ce qu’il aime, ce qu’il sait faire, il peut être utile de faire un détour par les schémas précoces inadaptés. Quand, en formation à la communication, une personne a du mal à identifier ses besoins, il peut être intéressant de démasquer ce qu’elle pense du sujet. De la même manière, dans une quête d’assertivité, les postures d’agression, fuite et manipulation que chacun se découvre peuvent interroger sur la construction de la personnalité.
Il ne s’agit pas pour moi de placer sur le même plan les troubles pathologiques de la personnalité et les difficultés du quotidien de tout un chacun. Il s’agit de m’appuyer sur un modèle éprouvé de compréhension de la construction humaine pour permettre à qui veut de déjouer les pièges de notre psyché et de mieux réguler ses réactions émotionnelles et relationnelles sur le long terme.
En effet, en règle générale, les expériences remettent en question nos croyances pour les moduler et nous rendre souple dans nos réactions, mais il peut arriver que certains schémas deviennent des sortes de vérités inébranlables au sujet des autres ou de soi. Or, quand nous sommes exposés à des situations qui nous rappellent consciemment ou non des situations traumatiques de l’enfance dans lesquelles nos besoins fondamentaux ont été frustrés (besoin de sécurité, d’affection, d’expression, de limites, ...), nous activons nos schémas (croyances) pour décider comment y faire face. D’après J. Young, quand nos schémas sont dysfonctionnels (SPI), rigides, nous ne pouvons faire autrement que de percevoir la situation comme menaçante. La peur de souffrir à nouveau l’emporte alors sur toute autre émotion et active une façon de réagir automatique et inadaptée : la stratégie précoce. Ce fonctionnement peut soulager à court terme mais fait croître la peur à long terme. Ex : quand je suis invitée à un mariage, je reste dans un petit coin et ne parle à personne en réaction, non pas à la situation actuelle où les convives sont plutôt sympathiques, mais en réaction à mon entrée en classe à mes 5 ans en cours d’année qui s’est mal passée et à d’autres événements de groupe que j’ai vécus de manière similaire.
Si vous identifiez chez vous ce type de réaction rigidifiée, il est temps de faire le test pour savoir si vous avez des schémas précoces inadaptés particulièrement marqués.
Identifier ses schémas précoces inadaptés
En résumé, un schéma précoce inadapté est donc un sujet important voire envahissant dans la vie de la personne ; il est fait d'émotions et de souvenirs ; il concerne la personne et sa relation aux autres ; il est dysfonctionnel.
Je vous propose de répondre au questionnaire des schémas précoces inadaptés de Young sous sa forme abrégée (YSQ-S1). Voici la procédure à suivre :
1) Affectez une note aux phrases ci-dessous en fonction de leur niveau de correspondance à votre personnalité. L’échelle de notation est la suivante :
- 1 = complètement faux
- 2 = faux dans l’ensemble
- 3 = plutôt vrai que faux
- 4 = moyennement vrai
- 5 = vrai dans l’ensemble
- 6 = me décrit parfaitement
2) Calculez les résultats : pour chaque groupe de questions, additionnez les notes 5 ou 6 (les autres ne sont pas prises en compte). Puis divisez par le nombre de questions dans le groupe (5). Reportez le résultat dans le tableau ci-dessous. Plus la moyenne est élevée, plus le schéma est prégnant:
Découvrir les caractéristiques de son schéma précoce inadapté
Dans ses travaux, J. Young a distingué 18 SPI regroupés en 5 catégories : les schémas concernant la séparation et le rejet, l'autonomie et la performance, le manque de limites, la dépendance aux autres, l'hypervigilance et l'inhibition. Le test sous sa forme courte en présente 15.
Dans le quotidien, les stratégies précoces vont s'exprimer lorsque la personne se trouve dans un autre contexte que lorsqu'elle était enfant et n'avait pas vu son besoin fondamental comblé, mais réagit comme si elle était toujours dans la même situation. Les SPI faisant revivre l'expérience négative d'origine lorsqu'il est activé, la personne va tenter de s'adapter en utilisant les trois types de réactions face au danger (stratégies précoces) :
- la capitulation : la personne intègre le schéma comme vrai et va adopter un comportement qui le confirme.
- la fuite : la personne évite au maximum les situations ou le SPI pourrait se réactiver : elle évite d’y penser, inhibe ses émotions,…
- la contre-attaque : la personne adopte des comportements visant à contrer le schéma pour en neutraliser les émotions.
Dans ces comportements, la personne tente de répondre à ses besoins affectifs fondamentaux tout en essayant de s’adapter face à son schéma précoce inadapté et son environnement et en respectant son tempérament.
Ainsi, dans le tableau des caractéristiques ci-dessous, des comportements opposés peuvent correspondre à un même schéma.
Par ailleurs, les SPI étant liés à des réponses inadaptées de la part des figures d’attachement de la personne vis-à-vis de ses besoins affectifs fondamentaux, sont aussi listées ci-dessous les caractéristiques retrouvées chez les figures d’attachement de la personne dans son enfance.
Est-ce que vous reconnaissez un schéma qui viendrait s’activer avec plus ou moins de force chez vous ? Est-ce que ce modèle apporte un éclairage particulier à votre vécu dans votre vie quotidienne ? Au travail ?
Se servir de la théorie des SPI pour se sentir mieux au travail
Comme toute croyance, les schémas précoces inadaptés luttent pour leur survie. En effet, leur objectif est de nous maintenir en sécurité et de ce fait, ils sont difficile à enrayer même si la souffrance qu’ils provoquent est réelle. Ils ont été conçus pour nous protéger à un moment où nous étions particulièrement vulnérables et impressionnables et l’enfant qui est en nous a du mal à les quitter.
De ce fait, si vous avez identifié un SPI particulièrement fort et limitant pour vous, je vous recommande de prendre rendez-vous avec un psychologue pour débriefer le test et envisager d’entamer un travail thérapeutique en vue d’atténuer l’influence de ce SPI sur votre vie. Souvent, les psychologues font compléter le test par d’autres tests (inventaire des attitudes parentales, questionnaires des attitudes du patient face au schéma). Vous pouvez aussi vous procurer le livre Je réinvente ma vie de Jeffrey E. Young pour en savoir plus sur ces schémas.
En effet, le mode comportemental avec lequel nous faisons face à nos schémas a autant d’impact que le schéma lui-même. Si nous capitulons face au schéma, nous organisons inconsciemment notre vie de manière à reproduire les situations traumatiques, nous adoptons ainsi des comportements autodestructeurs, nous demeurons l’enfant impuissant. Si nous fuyions, nous nions ce qui est, nous cachons le problème sous des activités refuges, ainsi nous nous y enfermons sans possibilité de résolution. Si nous contre-attaquons, nous déployons beaucoup d’énergie pour lutter contre ce qui est, pour le masquer aux yeux des autres, nous nous isolons et nous vivons tout autant autour du problème qu’avec les autres stratégies. Il est donc intéressant de reconnaître notre stratégie précoce pour nous en libérer.
Si vous avez reconnu certains schémas qui peuvent s’activer pour vous dans des situations du quotidien sans que cela ne soit envahissant, je vous recommande de questionner votre croyance, de la malaxer, la confronter aux faits en contextualisant. Puis, travaillez sur votre comportement dans la situation : que faites-vous concrètement ? que font d’autres personnes dans cette situation ? que pourriez-vous faire d’autres ? Dans ces situations où un schéma s’exprime de manière légère et ponctuelle, vous pouvez solliciter l’accompagnement d’un coach. Les techniques de PNL se prêtent particulièrement bien à l’évolution d’une croyance ou d’un comportement. Pensez-y. Et si vous avez envie d’en discuter, il vous suffit de me contacter.
Au plaisir d’échanger,
Annabelle pour Cap Cohérence