Comment le volontariat à l’étranger peut s’insérer dans une démarche de reconversion professionnelle ?
Interview de Frank Seidel, fondateur de www.guidisto-volontariat.fr
Charly : Bonjour Frank. Aujourd’hui, nous allons parler volontariat et reconversion, et comment les deux peuvent aller de pair. Est-ce que tu pourrais commencer par te présenter rapidement à nos lecteurs ?
Frank : Bien sûr. Je suis dans le secteur de l’engagement bénévole depuis 1993. Après avoir longtemps travaillé pour un grand organisme de volontariat, j’ai lancé il y a quelques années guidisto-volontariat.fr, le portail en ligne pour un volontariat utile et responsable à l’étranger. Allemand d’origine, je vis en France depuis plus de 20 ans et j’ai maintenant la double nationalité.
Au fil de ma carrière, j’ai croisé le chemin de beaucoup de volontaires en situation de reconversion professionnelle. Je me souviens du cas d’une employée dans le domaine de la communication pour des grandes sociétés parisiennes qui s’est reconvertie suite à une mission en Afrique et qui travaille maintenant dans le secteur du tourisme durable. Ce type de trajectoires inspirantes m’ont amené à penser que le volontariat pouvait être un outil utile aux personnes en reconversion, et c’est de cela dont j’ai envie de parler aujourd’hui aux lecteurs de Cap Cohérence.
Volontariat à l'étranger et reconversion dans l'humanitaire
Charly : Avant toute chose, est-ce que tu peux nous expliquer un peu à quoi l’on se réfère quand on traite de « volontariat à l’étranger » ? Est-ce qu’on peut parler d’humanitaire ?
Frank : Tu as raison de poser la question, parce qu’il y a bien confusion ! Le terme « humanitaire » est utilisé un peu dans tous les sens dans la langue courante, mais dans son acception première, il se réfère spécifiquement à l’aide apportée par des professionnels à des populations en situation d’urgence. Ce n’est pas de cela dont je vais traiter.
Quand je parle de « volontariat à l’étranger », je fais référence aux missions de volontariat accessibles aux non spécialistes, pour apporter son soutien à des projets en dehors des situations d’urgence.
Là encore, il faut distinguer deux types de volontariat :
- Le volontariat réglementé : qui renvoie aux programmes de type VSI, SVE ou encore service civique à l’étranger. Ces dispositifs sont très sélectifs, avec un nombre de places disponibles bien en deçà du nombre de candidats, et certains imposent également une limite d’âge, de nationalité, et une durée minimum (qui peut aller de quelques mois à un an).
- Le volontariat flexible : qui désigne les missions de volontariat ouvertes à des personnes de tous âges (étudiants, salariés, retraités…) qui s’engagent à l’étranger pour la durée de leur choix en faveur d’un projet qui les motive.
C’est bien de ce dernier type de volontariat accessible à tous dont je vais parler ici.
Charly : Merci pour ces précisions ! Donc selon toi, le volontariat flexible à l’étranger peut être un outil utile aux personnes en reconversion professionnelle. Est-ce que tu pourrais nous en dire plus ?
Frank : Quand on pense reconversion professionnelle, on pense avant tout formation. Et à raison ! Mais encore faut-il savoir dans quelle direction on souhaite aller, ce qui n’est pas forcément évident… Pour les personnes qui souhaitent peaufiner leur projet, opter pour une mission de volontariat à l’étranger peut avoir de nombreux avantages.
S’engager comme bénévole à l’étranger, c’est déjà sortir de sa zone de confort en osant partir dans un pays lointain, vivre dans des conditions souvent bien différentes de ce à quoi l’on est habitués en Occident. Et ce peut être très positif pour améliorer sa capacité d’adaptation, une qualité précieuse pour toute personne en situation de reconversion professionnelle !
Partir en mission, c’est concentrer son énergie sur un projet porteur de sens, loin de ses préoccupations quotidiennes, donc prendre ses distances… pour revenir boosté ! Attention toutefois à ne pas partir pour fuir d’éventuels problèmes personnels, parce que partir à l’autre bout du monde ne va malheureusement pas vous aider à les régler, et ils seront toujours là à votre retour…
Selon le type de mission pour lequel vous vous engagez, vous pouvez aussi acquérir de nouvelles compétences et améliorer vos capacités linguistiques. Pour les missions en Afrique, en Asie ou en Océanie, l’anglais sera bien souvent votre langue de travail. Et pour les hispanophones, il faudra se tourner vers l’Amérique du Sud.
Et puis une démarche de reconversion, c’est aussi beaucoup de doutes et de sauts vers l’inconnu. Et si au final, je me rends compte que telle profession ne me plaît pas ? Ou que je découvre trop tard que je n’ai pas ce qu’il faut pour travailler dans tel ou tel secteur ? Là où je vois dans les missions de volontariat un réel potentiel d’aide à la reconversion professionnelle, c’est en ce qu’elles permettent aux bénévoles d’expérimenter une autre activité, d’avoir un aperçu concret d’un métier, afin de savoir si oui ou non, je pars dans la bonne direction.
Le volontariat, une bonne façon d'expérimenter de nouveaux métiers
Charly : Je comprends qu’une mission de volontariat peut être vue comme une opportunité de tester une idée de carrière. Mais de quels types de secteurs parle-t-on ? Quels métiers peut-on « expérimenter » au travers de ces projets ?
Frank : Il y a des tas de types de missions différentes. Pour donner quelques exemples concrets de secteurs particulièrement représentés, on peut citer l’enseignement, le social, le journalisme, le droit, l’agriculture, la santé (avec même des missions ciblées selon les spécialisations : médecins, infirmiers, kinés…), et même l’archéologie !
Mais la liste est longue et je n’ai certainement pas été exhaustif. De manière générale, je conseillerais aux gens d’être persévérants, car il existe très certainement une mission qui correspond à leur projet de carrière, il suffit de bien chercher !
Charly : En disant ça, tu donnes un peu l’impression qu’un volontaire pourrait faire tout et n’importe quoi lors d’une mission à l’étranger. Ne faut-il pas de qualifications ?
Frank : Les organismes de volontariat adaptent souvent les tâches aux aspirations et aux compétences des volontaires. Mais il est évident que tout le monde ne peut pas tout faire !
L’idée est que les volontaires doivent choisir une mission adaptée à leurs capacités. Si vous n’avez pas d’expérience dans un domaine, tournez-vous vers un projet où les bénévoles viennent en renfort du personnel local, et apprennent de leur expertise. Par exemple dans le médical, pour quelqu’un n’ayant aucune expérience ou formation dans le domaine de la santé, il faut choisir plutôt une mission de type « stage », où les volontaires observent plutôt que participent.
Quoi qu’il en soit, il est toujours mieux de se rapprocher de l’organisme de volontariat que vous avez choisi avant de partir, afin de leur demander des précisions sur ce que l’on attend précisément de vous et sur le degré d’encadrement une fois sur place. Soyez honnête sur ce que vous êtes capable de faire et posez-vous la question : « Me sentirais-je capable de faire cela en France ? ». Si la réponse est non, il faut peut-être repenser votre projet.
Volontariat à l'étranger : comment trouver la bonne mission ?
Charly : Pour finir, mettons que je sois convaincu et que je veuille partir en mission dans le cadre de mon projet de reconversion. Concrètement, comment je trouve le projet adapté à mes besoins ?
Frank : C’est vrai qu’il existe beaucoup de possibilités pour partir, et il n’est pas toujours facile de s’y retrouver… D’autant que tous les projets ne se valent pas, et je conseille donc aux volontaires en herbe de prendre leur temps et de bien se renseigner avant partir.
J’ai récemment lancé la plateforme pour le voyage humanitaire Guidisto, qui regroupe plusieurs centaines de missions de volontariat à l’étranger émanant d’organismes sérieux. Il existe d’ailleurs aussi un équivalent un langue allemande www.wegweiser-freiwilligenarbeit.com. L’idée avec ce projet, c’est de permettre aux candidats au départ de ne pas avoir à écumer le web pour pouvoir trouver une mission de volontariat qui leur correspond. Je porte une attention toute particulière sur la qualité des projets qui sont acceptés sur le portail, en prenant soin de n’accepter que les missions véritablement utiles et responsables.
Et si après avoir lu ces mots, vous décidez de vous lancer en tant que bénévole à l’étranger, je ne peux que vous féliciter. Je sais que sauter le pas n’est pas forcément facile, mais le jeu en vaut largement la chandelle !