Nombreux sont nos lecteurs qui songent à devenir coach pour leur reconversion. Et pourquoi pas coach de dirigeant… ? Y avez-vous pensé ? Cette spécificité du coaching, adressé ainsi à une cible très particulière, a de quoi soulever de nombreuses questions : « comment devient-on coach de dirigeant ? serai-je capable ? crédible ? légitime ? est-ce que ça va me plaire ? »
Pour vous aider à répondre à ces questions, j’ai interviewé un coach de dirigeant expérimenté dont la franchise et la bienveillante impertinence sauront éveiller votre curiosité, j’en suis sûre ! Rencontre avec Paul Devaux, du cabinet Orygin…
Devenir coach de dirigeant, histoire d’une reconversion
Bonjour Paul et merci d’avoir accepté cette interview sur le thème « comment devenir coach de dirigeant ». Je crois savoir qu'avant d'atterrir dans le monde du coaching, vous avez exploré d'autres monde, pouvez-vous nous en dire plus sur ce démarrage de carrière ?
En effet, j’ai eu un peu de mal à « trouver ma voie ». Etant étudiant, rien ne m’intéressait. Et au début de ma carrière en tant que commercial, rien ne me mobilisait. Et tandis que de bon vendeur j’étais devenu un manager commercial assez moyen, j’ai rencontré le coaching qui fut pour moi une révélation. Ce que j’ai immédiatement intuité de ce métier m’a tout de suite enthousiasmé. Il était temps, j’avais déjà 33 ans. Heureusement, je ne savais pas qu’il fallait être plus âgé que je ne l’étais pour se lancer, donc je l’ai fait et avec la chance du débutant, j’ai tout de suite démarré du bon pied, et jusqu’ici cela m’a plutôt réussi…
En tous cas, j’aime ce travail, qui me permet de gagner ma vie, en créant de la valeur pour les autres tout en m’amusant.
Comment vous êtes-vous dirigé vers le coaching ? Qu'est-ce qui vous a donné cette idée ?
En fait, je m’adonnais au yoga et à diverses pratiques spirituelles depuis l’âge de 14/15 ans et je m’ennuyais dans la vie professionnelle que je trouvais sans intérêt et manquant de sens à mes yeux. J’aspirais sans le savoir à une activité qui me permettrait d’unifier mon exploration intérieure avec le service aux autres vers plus d’épanouissement et de performance. J’ai trouvé cela avec le coaching.
Devenir coach de dirigeant, ça veut dire quoi ?
Parmi les différentes activités que vous pratiquez autour du coaching, il y a le coaching de dirigeant, qu’est-ce que cela signifie exactement ?
Il s’agit d’accompagner des dirigeants dans la solitude de leur posture de leader pour les amener à:
- Développer leur propre charisme tout en trouvant leur équilibre de vie,
- Affiner et expliciter leur vision,
- Y voir clair dans la complexité, pouvoir conduire des transformations au sein de leur organisation,
- Démêler des relations difficiles avec des associés,
- Diriger un comité de direction avec des fortes personnalités.
Pour en savoir plus sur le sujet, je vous suggère cet article sur le coaching de dirigeant. [NDLR]
Il y a comme une sorte d'effet "wahou" quand on dit que l'on coache des dirigeants, comme si l'apparent prestige de la position du client rejaillissait sur son coach, trouvez-vous que c'est différent de coacher un dirigeant ou de coacher n'importe qui d'autre ?
Bonne et malicieuse question !
Quand j’étais plus jeune, je coachais des managers de ma tranche d’âge, puis en vieillissant je me suis retrouvé à coacher des gens plus expérimentés. Cela m’a fait drôle il y a 4 ou 5 ans de me retrouver à coacher le Directeur Général d’un grand groupe industriel international, qui me recevait dans la salle à manger privée de leur siège social, alors qu’il y a 20 ans je coachais les personnes au bas de l’échelle du management dans ce même groupe.
Pour moi, il n’y a pas de différence : je coache toujours un homme ou une femme, dans lesquels il y a un petit garçon et/ou une petite fille présents à l'intérieur de l'adulte responsable.
C’est paradoxal, mais je trouve à la fois que c’est plus facile de coacher des dirigeants que leurs N-1 (parce qu’ils savent ce qu’ils veulent et sont souvent plus puissants et plus lisibles que leurs N-1) et en même temps je reconnais qu’il y a 10 ans je n’aurais probablement pas su le faire.
Je parviens à rester en selle, parce que j’ai lâché la technique et n’ai plus d’ego dans la pratique du coaching. Je me contente de faire avec concentration et amitié le mieux que je peux. Il y a 10 ans, je n’y arrivais pas, et je me serais fait éjecter par ces « divas ».
Par ailleurs, travailler avec les dirigeants en tant que coach apporte indubitablement les avantages suivants :
o L’action auprès d’eux aura d’autant plus d’impact sur l’environnement qu’il s’agit de décideur disposant d’un bras de levier plus important que des middle managers,
o Les dirigeants ont plus d’exigence vis-à-vis de leur coach, mais disposent également de plus de latitude pour mettre en œuvre les changements qu’ils élaborent avec eux.
C’est donc assez gratifiant.
Comment devient-on coach de dirigeant ?
Existe-t-il une formation spécifique pour devenir coach de dirigeant ?
Non…
Le destin peut-être ? L’école de la vie sûrement. La maîtrise de son art, et le fait de n’avoir peur de rien (ni envie de rien non plus !)
Y a-t-il des aptitudes ou des qualités particulières à développer pout devenir un bon coach de dirigeant ?
- Lâcher prise,
- Humour,
- Concentration,
- Engagement,
- Puissance personnelle et sécurité ontologique.
Comment trouve-t-on des dirigeants à coacher quand on débute ?
C’est eux qui vous trouvent, quand vous êtes prêt. Et ce n’est pas une fin en soi !
Ce n’est pas mieux payé, vous savez. Et le marché des dirigeants est beaucoup plus petit et fermé que celui des top et middle managers.
Vraiment ? Un coaching de dirigeant n’est pas plus cher qu’un coaching de manager intermédiaire ?
Personnellement, je vends déjà assez cher le coaching en général. Et en proportion des enjeux client bénéfices créés par le coaching, je vends le coaching de dirigeant à peine plus cher. D’ailleurs, je devrais peut-être augmenter un peu mes tarifs.
Mais de plus en plus, nous sommes confrontés à des coachs qui tirent le marché vers le bas en proposant des prix très bas. Je suppose qu’ils ont peut-être une petite estime de la valeur qu’ils créent pour leurs clients, ou bien qu’ils préfèrent ne gagner qu’un tout petit peu d’argent :D ?
La vie d’un coach de dirigeant devenu dirigeant lui-même
Vous êtes aujourd'hui dirigeant du cabinet Orygin, à quoi ressemble votre quotidien ?
Je partage mon temps en :
* Diverses prestations de coaching en entreprise (sauf exception, je ne coache pas les particuliers) – coaching d’équipes stratégiques, coaching de managers à potentiels, coaching d’organisation.
* La formation et la supervision des collègues coachs qui me font l’honneur de me solliciter. J’adore faire goûter et apprécier la subtilité de la posture, travailler la qualité de présence, la profondeur de l’écoute, la consistance de la relation, etc… Et puis bien sûr, il y a tous les trésors de techniques qu’il est vraiment gratifiant de partager (plutôt que de mourir un jour étouffé par mes secrets bien gardés).
Et avec tout ça, diriez-vous que votre travail de coach est source d'épanouissement pour vous?
Le coaching est pétillant, vivifiant, drôle ! Et dire qu’on est payé pour travailler sur soi et se développer, tandis qu’on apprend en accompagnant des gens brillants sur leur chemin de réussite…
En ce qui me concerne la position de coach me permet d’avoir une petite place auprès des autres, et de contribuer modestement à leur réussite, dans un système qui ne me plaît pas et au sein duquel finalement je ne suis qu’un misanthrope. Une sorte de marginal intégré, grâce à cette posture un pied dedans/un pied dehors, qui me convient bien.
Enfin, si vous aviez un conseil à donner à nos lecteurs qui souhaitent devenir coach de dirigeant, que leur diriez-vous ?
Ne cherchez pas à devenir coach de quoi que ce soit de particulier. Etre coach, un vrai coach, ça c’est intéressant. Coach de dirigeant, c’est rien en soi !
Et les dirigeants feront peut-être de vous un coach de dirigeants, à moins que vous ne deveniez un coach d’adolescents, un coach de personnes en burn-out, un coach de ce que vous voudrez, ce sera tout aussi bien.
Ce sont vos clients qui font de vous ce que vous êtes. En pratiquant, vos talents vont se révéler, et la vie vous mettra sur le chemin des personnes que vous pouvez accompagner avec utilité pour elles. Vous n’avez rien à faire. D’ailleurs, si vous êtes coach, vous le savez bien au fond de vous-même, on ne peut rien pour les autres, et il n’y a rien à attendre des autres. En revanche on peut s’accompagner, et c’est une expérience fantastique.
Il se trouve que la compagnie d’un coach crée une valeur spécifique, une valeur de miroir qui développe de la conscience et de la croissance.
La compagnie d’un pâtissier est bien aussi, c’est juste différent. C’est bien, la différence. Assumons la nôtre, tranquillement.
Merci Paul pour ce témoignage vivifiant ! J’espère qu’il aura inspiré de futurs coaches de dirigeants (ou de n’importe qui d’autre !) pour devenir simplement eux-mêmes à travers ce que la vie leur offre comme expérience.
A vous lecteurs, merci de votre présence. Au plaisir de vous retrouver sur Cap Cohérence pour créer de la valeur avec vous ;°). Annabelle.