Le terme de zèbres semble être à la mode. Pourtant, ces profils ont toujours existé alors pourquoi en parle-t-on plus qu’avant, en particulier dans le monde du travail ? La relation au travail aurait-elle changé ? Est-ce enfin « autorisé » d’en parler ? En quoi ces profils peuvent déranger en entreprise ? Quels sont leurs besoins ? Quelles solutions peut-on apporter ?
Qu’entend-on par « zèbres » ?
La psychologue Jeanne Siaud-Facchin a proposé cette appellation de « zèbres » pour désigner les adultes surdoués, en référence à certaines caractéristiques de l’animal : difficilement apprivoisables, qui se fondent dans le décor tout en s’y distinguant par des caractères (les rayures) propres à chaque individu.
Personnellement, dans le contexte professionnel, je préfère parler de « Hauts Potentiels ». J’en distingue deux catégories. Dans les entreprises, il s’agit de profils capables de prendre des postes à grandes responsabilités (comprenons : les futurs Directeurs). Cette catégorie est donc tout à fait subjective et dépend de critères d’appréciation des managers intermédiaires, de la culture de l’entreprise, de la visibilité de la personne concernée, etc.
La seconde catégorie est souvent nommée HPI pour Hauts Potentiels Intellectuels, ou HQI (Hauts Quotients Intellectuels), ou encore zèbres, surdoués, multi-potentiels, surefficients, philo-cognifitifs, et j’en passe... Ces profils ont, selon le dictionnaire, une intelligence très supérieure à la moyenne. Là encore c’est, selon moi, très subjectif.
On peut parler de QI supérieur à 130, mais qu’est-ce que l’intelligence, comment la mesure-t-on ? Howard Gardner a proposé un modèle sur les intelligences multiples à la fin du siècle dernier, enrichi depuis : intelligence linguistique, logico-mathématique, spatiale, intra-personnelle, interpersonnelle, corporelle-kinesthésique, musicale, naturaliste et existentielle. Que mesure le QI, quelle est la fiabilité de l’étalonnage, et du passage du test selon son état émotionnel le jour J ?
Quelques caractéristiques des zèbres
La littérature foisonne de définitions et caractéristiques des zèbres. Tous les zèbres ne se retrouvent pas dans toutes les caractéristiques et inversement : on peut avoir de nombreuses caractéristiques sans pour autant être un zèbre. Je vous propose les caractéristiques suivantes pour poursuivre cet article. Commençons avec le terme « hyper... » Tout semble plus grand, plus intense, plus fort que la norme : hyperesthésie (des 5 sens), hyper sensible, hyper émotif, hyper affectif, hyper empathique, hyper vigilance, extralucide, beaucoup d’énergie, de passion, d’intensité…
Certains sont plutôt laminaires (adaptés et promu par la société, observateurs, précis, contrôlés, régulés, structurés, ayant une bonne estime de soi) d’autres sont plutôt complexes (avec des pensées foisonnantes, un sentiment de décalage, avides d’émotions, autonomes, souvent avec une faible estime de soi). Leur pensée peut être perçue comme complexe : en arborescence ou divergente, incessante et créative, souvent en dehors du cadre. On peut leur reprocher un perfectionnisme ou un côté binaire.
Les zèbres peuvent se révéler une vraie force pour les entreprises, grâce à leurs capacités hors du commun : curiosité, perspicacité, innovation, haut niveau d’intégration, facilité d’apprentissage, beaucoup d’intuition, rapidité, vision globale d’une situation, capacité à anticiper, à se projeter, organisation, puissance de travail…
Mais certaines entreprises ne voient que le revers de la médaille, leurs difficultés : impatience, insatisfaction chronique, ennui, frustration, colère, sentiment de solitude, excès, difficultés relationnelles, doutes, anxiété, trop directs et trop sincères… En général, ils recherchent la paix, l’harmonie et le bien commun, avec de fortes valeurs d’intégrité et d’altruisme. Malgré la bonne intention, leur façon de faire mène souvent à la critique.
Les problématique des zèbres en entreprise
Certains zèbres sont parfaitement bien adaptés en entreprise et je n’aborde ici que des problématiques visibles et caricaturales. De nombreux zèbres souffrent du syndrome de l’imposteur, ne comprenant pas pourquoi ils sont tant valorisés (par des signes de reconnaissance, un salaire important ou titre pompeux par exemple). Pour eux, le travail effectué ne nécessite pas d’effort particulier, c’est « facile » alors pourquoi tant de reconnaissance ? Certains même déploient des stratégies pour gérer leur image : faire croire qu’ils ont des difficultés, ou bien faire bonne figure pour qu’on ne les démasque surtout pas.
Burn-out, bore-out, brown-out… Ces termes désignent un type de souffrance au travail, que certains zèbres connaissent bien : surmenage, ennui profond ou perte de sens. Ce sentiment de décalage entre ce qu’ils font, ce qu’on leur demande de faire, ou ce qu’il « faudrait » faire. Tant d’énergie déployée à lutter à contre-courant : faire à la place des autres qui ne font pas assez bien, convaincre le monde entier qu’il faut faire autrement, se battre pour avoir un peu plus de travail, expliquer que le sujet traité est très secondaire alors qu’il faudrait aborder tel ou tel sujet, etc. Les tentatives se succèdent sans relâche mais aucune ne semble fonctionner, alors le doute s’installe, la perte de confiance en soi… « Et si j’avais tort. Si c’était moi qui avait un problème ? »
La relation aux autres peut s’avérer compliquée. Le besoin d’autonomie risque de poser problème avec la hiérarchie, en particulier si le manager est directif ou infantilisant. Les zèbres qui s’expriment trop, sont souvent perçus comme hautains, rebelles ou perturbateurs, un comportement banni dans les grandes entreprises qui préfèrent une ambiance plus feutrée.
Quelles solutions pour ces zèbres ?
Chaque individu réagit différemment et des solutions qui fonctionneraient pour l’un seraient inadaptées pour l’autre. Je suis convaincu que le plus efficace reste le sur-mesure. Les zèbres peuvent trouver leurs propres solutions, avec ou sans une aide extérieure. Il est également parfois utile (voire nécessaire) d’accompagner l’environnement du zèbre : ses collègues et son manager, pour apporter les clefs d’un bon fonctionnement du groupe.
Comme tous les êtres humains, les zèbres ont des besoins à nourrir. Commençons par les besoins essentiels : la sécurité, la confiance en soi, l’estime de soi, la reconnaissance, la régulation émotionnelle et la recherche de sens. Ajoutons à ceux-là les besoins plus spécifiques aux zèbres : tout comprendre, apprendre, rester en accord avec leurs valeurs (et leur éthique), l’amélioration permanente, l’autonomie (tout en ayant un cadre clair), la créativité, la réactivité et le partage, la stimulation intellectuelle, la complexité, etc.
Ces besoins qui ne seraient pas pleinement nourris, ouvrent des pistes de travail pour les zèbres et pourquoi pas vous ? Nous pouvons ensemble travailler sur le sens et la motivation, apprendre à accepter l’imperfection, élargir votre fenêtre de tolérance, gérer l’ennui et le doute, faire confiance à votre intuition et vos émotions… Nous pouvons également travailler la relation aux autres : apprendre à écouter davantage, satisfaire les besoins des autres, se taire quand c’est nécessaire, accepter votre différence, poser vos limites, nourrir votre besoin d’appartenance et de reconnaissance.
Vous pouvez sembler difficile à manager pour ceux qui n’ont pas les bonnes clefs de lecture. C’est une formidable occasion pour votre manager de développer son leadership : impulser une vision, traiter son équipe sur un pied d’égalité, gagner en courage et oser dire « je ne sais pas », créer un climat favorable à une culture de la diversité dans une réelle bienveillance, développer des relations « saines », franches et explicites, affiner sa curiosité et son sens de l’humour, etc.
Quels gains pour les entreprises ?
Vous, zèbres, pouvez contribuer à la forte croissance de votre entreprise. Au-delà de votre puissance de travail impressionnante, citons quelques autres qualités : visionnaires (hors du cadre), respectueux des valeurs et des autres, avec une intention portée sur le collectif, flexibles, transverses, capables de faire le lien entre des métiers très différents, passionnés, impliqués, motivés, ayant le goût du challenge et une qualité de production irréprochable…
Beaucoup de startups l’ont compris, vous êtes de véritables pépites, pour peu que vous soyez dans un environnement qui vous permette de vous exprimer pleinement. Le monde évolue, la course à l’innovation est lancée.
Si une situation vous préoccupe (pour vous-même, votre manager, ou vos RH), rencontrons-nous pour en parler. Il suffit parfois de peu de choses pour transformer un caillou en une pépite !
Loïc Quintin de Kercadio, coach professionnel