Se reconvertir à 50 ans, c’est risqué… A-t-on vraiment le temps et l’énergie de se former ? Est-on encore « attractif » sur le marché de l’emploi ? Va-t-on mettre en péril sa retraite ? Plusieurs cinquantenaires en souffrance dans un métier qu’ils ne reconnaissent plus se posent ces questions en songeant à une reconversion. Et puis certains osent affronter le risque et tenter l’aventure. J’ai rencontré l’un d’entre eux, Christophe Seigneur, 50 ans et des brouettes. Inspiré dans sa reconversion par les articles du blog Cap Cohérence, Christophe a souhaité témoigner à son tour de sa propre expérience.
50 ans, une carrière bien remplie, à se reconvertir l’air de rien
Avant de parler de votre reconversion, pouvez-vous nous dire quel a été votre parcours jusqu'à vos 50 ans ?
Jeune, j’étais passionné d’informatique et une fois mes études terminées, j’ai choisi de poursuivre dans cette voie. J’ai alors démarré ma carrière au sein d’une société de services (SSII) en tant qu’analyste-programmeur. J’ai ensuite rapidement évolué vers une fonction de chef de projet, puis vers des postes de directeur de projet et directeur technique. Puis, après une carrière plutôt orientée « technique », j’ai décidé d’évoluer vers des fonctions où le business, le commerce et le management étaient prépondérants. C’est ainsi que j’ai continué en tant que business manager IT et manager des opérations. Finalement, je peux dire que j’ai occupé les principales fonctions que l’on rencontre dans le secteur informatique. L’évolution des technologies informatiques a toujours été un sujet passionnant qui m’a toujours motivé.
Ce qui me motive moins par contre, c’est la course effrénée que les entreprises ont enclenchée en matière de réduction des couts ! Certes, les entreprises ont toujours cherché à faire des économies, et c’est normal, mais avec les nouvelles technologies cela atteint maintenant des sommets, avec un impact direct sur la carrière des personnes. J’ai vu des sociétés proposer à leurs collaborateurs de partir vivre en Inde pour sauver leur emploi ! Même s’il ne s’agit pas d’un cas général, cela laisse songeur.
Pourquoi se reconvertir à 50 ans quand on a un « bon poste »
Visiblement, vous aimiez ce milieu de l'informatique et vous réussissiez dans votre carrière, pourquoi vouloir le quitter ?
Oui, j’ai toujours aimé l’informatique, et je continue à l’aimer, car je pense que c’est dans mon ADN ! Toutes ces années m’ont permis de côtoyer toutes les strates de la société de services (ESN). En tant que manager, j’ai recruté des personnes, je leur ai fait part de ma façon de travailler, des valeurs que je recherchais, ainsi que des perspectives d’évolution que je leur proposais. La société pour laquelle je travaillais était une ESN d’environ 4 500 personnes. Nous avions à cœur de tenir nos engagements et l’humain était au cœur de nos préoccupations.
Mais un rachat par un groupe plus important a fait perdre son ADN à l’entreprise que j’avais connue. La priorité vers le chiffre d’affaires et l’orientation 100% commerciale de la société sont entrées en collision avec mes valeurs et la vision que j’avais de mon métier. L’hypocrisie des discours, les promesses faites aux collaborateurs, tout en sachant qu’elles ne pourraient être tenues, ainsi que le discours « RH » en complet décalage avec la réalité, ont fini par me convaincre qu’il fallait que je change quelque chose.
Mon objectif a toujours été d’apporter de la valeur à mes clients, de répondre à un besoin, un problème. Le bénéfice que l’on en tire n’est que la conséquence de cette valeur apportée. Passer d’une proposition de valeur, à un objectif purement financier, c’est à dire vendre à tous pris, a certainement été la goutte d’eau de trop.
Et un matin, j’ai eu comme un déclic. Cela m’est arrivé quelquefois dans ma vie et j’ai toujours fait confiance à mon instinct. Alors ce matin-là, je me suis dit qu’il fallait que je puisse faire un métier qui me plaise et qui soit en accord avec mes valeurs. J’allais me reconvertir.
Se reconvertir, oui, mais pour faire quoi ?
Beaucoup de gens aspirent à changer de métier à 50 ans, peu le font, d'abord parce qu'ils ne savent pas quoi faire d’autre. Certains travaillent avec un coach pour les aider dans cette étape, vous comment avez-vous défini ce que vous vouliez faire ?
Je crois que pour moi, l’idée a germé pendant de longues années sans que je m’en aperçoive avant de trouver le moment de s’exprimer. Pour tout vous dire, j’ai grandi au sein d’une famille d’entrepreneurs. Mon père ayant plusieurs entreprises, quand j’étais jeune, j’ai partagé mon temps entre mes études en informatique et ses entreprises dans lesquelles je participais activement. Au côté de mon père, j’ai vécu les difficultés, mais aussi les joies d’un créateur d’entreprises. J’ai également dirigé une entreprise à cette période. J’étais jeune, mais avec le recul, cela m’a marqué pendant toute ma carrière de salarié et je pense que cela n’attendait que le moment opportun pour ressortir.
En parallèle de mon boulot de salarié, j’aidais depuis plusieurs années des personnes de mon entourage, des collègues ou ex-collègues à évoluer dans leur carrière professionnelle, ou à se lancer à leur compte afin de créer leur activité en exploitant mes connaissances du monde de l’entrepreneuriat, ainsi que mes compétences dans le domaine du digital.
Un jour un ami qui souhaitait se mettre à son compte, et que j’accompagnais de façon informelle m’a dit « Christophe, je connais des gens comme moi qui cherchent à se lancer à leur compte et qui ne savent pas vers qui se tourner, tu devrais en faire ton job ! ». Moi qui faisais cela comme un hobby, je me suis dit qu’après tout, cela valait peut-être le coup d’y réfléchir.
Comment gérer les risques quand on se reconvertit à 50 ans pour créer sa boîte ?
En plus de vous reconvertir en quittant une situation matériellement confortable et pour laquelle vous étiez reconnu, vous avez choisi de créer votre entreprise. Ça paraît risqué à 50 ans: redémarrage à 0, retraite, couverture santé, pas sûr de retrouver un boulot si ça fonctionne pas, ... Comment avez-vous fait pour dépasser tous ces obstacles ?
Oui, cela peut sembler risquer, et ça l’est sur certains aspects. Mais je revis ! J’ai donné du sens à ma vie et je me sens exister en faisant quelque chose qui me plait et en accord avec mes valeurs.
1) Risque 1 : La perte de rémunération
La première inquiétude se porte sur la rémunération. J’avais un salaire plutôt confortable, et partir d’une rémunération fixe ou vous êtes payés quoi que vous fassiez, à un modèle variable ou votre travail conditionne entièrement vos revenus vous motivent pour avancer !!
Je dois dire que le modèle social français a été d’une grande aide pour démarrer. J’ai en effet pu bénéficier des allocations chômage en parallèle de ma nouvelle activité, et les aides apportées par pole-emploi ont été d’une grande utilité.
2) Risque 2 : Ne pas retrouver de travail si ça ne fonctionne pas
Se reconvertir à 50 ans, c’est aussi prendre le risque de ne pas retrouver de travail en tant que salarié. Je suis bien placé pour le savoir, car ayant fait du recrutement, je sais pertinemment qu’il existe des règles « internes » sur ce sujet dans beaucoup d’entreprises. [cf. article « Retrouver Un Emploi Après 50 Ans : Nos Conseils ! » sur ce sujet] Et l’une des questions que l’on m'a posée lors de mon départ était « et si cela ne marche pas, que vas-tu faire ? » Ma réponse fut simple : « pas de plan B, ça va marcher ! ».
Avoir un plan B, c’est prévoir dès le départ que cela ne va peut-être pas fonctionner. C’est se dire que de toute façon, si cela ne marche pas, tant pis. Ne pas avoir de plan B, c’est se donner à fond dans ce que l’on fait. C’est croire et vouloir réussir. C’est se dire qu’il n’y a pas d’autres portes de sortie que celle que vous avez en face de vous, et que vous n’avez pas d’autre choix que de l’emprunter car votre vie en dépend ! La motivation et l’état d’esprit font toute la différence entre un perdant et un gagnant.
3) Risque 3 : Mettre en péril sa retraite
Enfin, en ce qui concerne les inquiétudes autour de la retraite, j’ai un point de vue assez différent de la majorité des gens. Je ne considère pas la retraite comme un saint graal, un objectif qu’il faut absolument atteindre dans sa vie. Ou devrais-je plutôt dire vers la fin de sa vie…
Je côtoie tellement de personnes qui passent leur temps à aller travailler pour gagner de l’argent, payer les vacances, recommencer, tout en faisant un travail qui ne leur apporte aucun épanouissement jusqu'à l’âge de la retraite. Et tout ceci pourquoi ? Pour atteindre l’âge de la retraite, âge qui, tel un tapis roulant en marche arrière, n’en finit pas de reculer au fil du temps. Il ne faut pas oublier que tout cela a été construit de toutes pièces par l’être humain, certes, pour permettre aux gens de couler des jours heureux après une vie de dur labeur, mais les temps ont changé. Il n’y a qu’à regarder le nombre de retraités qui reprennent un travail après la retraite, soit parce qu'ils s’ennuient [cf. article « Que faire à la retraite ? »], soit parce que leur retraite ne suffit pas à couvrir leurs besoins.
Mon objectif n’est pas de critiquer ce modèle qui convient à beaucoup de personnes. Je dis juste qu’il ne me convient pas, car il ne correspond pas à ma vision de la vie. Alors lorsque l’on me demande ce que je vais faire à la retraite, je réponds : quelle retraite ?
Se reconvertir à 50 ans ou quitter un monde connu pour un monde inconnu
Comment s'est passée votre transition ?
Ma transition s’est plutôt bien passée parce que je savais ce que je voulais faire. De nombreux collègues sont venus me questionner sur les raisons et les modalités de mon départ. C’est un moment où il vaut mieux savoir ce qu’on fait. D’ailleurs, la plupart de mes collègues de plus de 50 ans voyaient plutôt leur carrière derrière eux. J’ai beaucoup entendu « je ne vais pas partir maintenant ». Je déteste cette expression !
Pour ma part, j’ai donc négocié une rupture conventionnelle avec mon entreprise, tout en me renseignant en parallèle sur les modalités d’accès à la formation. Je souhaitais en effet me perfectionner sur certains domaines spécifiques afin de compléter mes connaissances. J’ai alors démarré un cursus de formation en finançant intégralement le programme de formation de plusieurs milliers d’euros.
J’ai travaillé pendant plusieurs mois à la préparation de ma nouvelle activité. J’ai préféré prendre mon temps pour me préparer, et aussi pour faire un petit « break » avant de me lancer. J’ai démarré officiellement en septembre 2018 et je suis resté en contact avec de nombreux anciens collègues avec qui j’échange régulièrement. Je sens que mon initiative en motive plus d’un …
Aujourd'hui, comment ça se passe pour vous ?
Ma vie a changé. Je me lève le matin avec une envie folle de travailler au développement de mon entreprise. J’organise mes journées à ma convenance, en équilibrant vie professionnelle et personnelle. Même si mon emploi du temps est très chargé, je m’accorde le privilège d’organiser mes journées comme je le souhaite. C’est l’avantage d’être à son compte. Autre avantage, je choisis mes clients !
Concrètement, j’aide les personnes à devenir entrepreneurs et à apprendre comment en vivre durablement, à travers une méthode originale combinant stratégie, business, marketing digital, pragmatisme et intuition. J’ai remarqué que les personnes au parcours atypique préfèrent travailler en tête à tête afin de prendre en compte leurs spécificités. Ils arrivent quelquefois sur mon site, « Entrepreneur de Carrière », après avoir suivi sans succès des formations trop généralistes, donc inadaptées à leur cas.
La technologie permet de travailler en face à face, quelle que soit la distance grâce à Skype par exemple. Cela me permet d’avoir des clients dans toute la France sans avoir à me déplacer !
A quel âge doit-on arrêter de poursuivre ses rêves ?
Si vous aviez un conseil à donner aux personnes de 50 ans et plus qui hésitent à se reconvertir, ce serait lequel ?
A ceux qui songent à se reconvertir à 50 ans, je conseillerais de se questionner sur le sens qu’ils veulent donner à leur vie professionnelle. De ne pas rester sur des aprioris et de ne pas s’enfermer dans des pensées limitantes.
50 ans est un âge auquel tout est possible pourvu que l’on ait envie de changer de vie. Il n’est jamais trop tard pour faire ce que l’on aime et contribuer au monde en apportant de la valeur aux autres. En plus, à 50 ans, on a plus d’expérience et de savoir-faire qu’à 20 ans. [cf. article « Lettre ouverte aux 800 000 seniors » ]
Je crois aussi que la motivation et la détermination représentent 70% du succès. Une petite phrase de Walt-Disney que j’aime beaucoup à ce sujet et qui m’a beaucoup inspirée : “Tous nos rêves peuvent se réaliser si nous avons le courage de les poursuivre.”
Merci beaucoup Christophe pour ce témoignage vivifiant !
A vous lecteur tenté par l’aventure entrepreneuriale, vous pouvez contacter Christophe depuis son site internet ici. Et également retrouver l’interview d’Isabelle Mercadieu, fondatrice de Liber'Pro sur notre blog.
Et si vous avez besoin d’un coup de pouce pour identifier un projet qui vous motive et oser tenter une reconversion à 50 ans, vous savez que vous pouvez compter sur les coaches Cap Cohérence pour ça !
Au plaisir de vous accompagner dans cette aventure,
Annabelle pour Cap Cohérence