Si l'idée de vous reconvertir dans les métiers de l'humanitaire ou de la coopération internationale vous titille, je vous invite avant tout à consulter cet article très complet rédigé par Myriam, coach spécialiste du sujet : Reconversion vers l'Humanitaire : Abécédaire de l'engagement !
Pour compléter cet article, je suis aujourd’hui avec Hervé Dubois, grand acteur de l’humanitaire et de la coopération internationale, qui, après 25 ans sur le terrain, vient de créer l’ICI : Institut de Coopération Internationale. L'objectif de son institut ? Vous former aux métiers de l’humanitaire, vous envoyer en mission sur le terrain et vous aider à trouver un emploi dans une ONG humanitaire ou un organisme de coopération. Interview.
L’ICI : spécialiste des reconversions professionnelles dans l’humanitaire !
Bonjour Hervé, tu as un parcours professionnel assez exceptionnel et remarquable : 25 ans de carrière dans l’humanitaire à parcourir la planète, tu as rencontré et travaillé avec les grands de ce monde, tu es entre autres le créateur des congés solidaires, qui permettent aux entreprises d’envoyer leurs salariés en mission humanitaire…
En 2011, tu décides de partager ta passion et de créer l’ICI, l’Institut de Coopération Internationale, un organisme de formation aux métiers de l’humanitaire. Peux-tu nous en dire plus ? Comment te positionnes-tu dans le paysage de la formation à ces métiers ?
Hervé : Nous ne sommes en effet pas les premiers à proposer une formation aux métiers de l’humanitaire. Notre objectif de base n’était donc pas d’être un Nième organisme de formation, mais bien de proposer un format complémentaire qui n’existait pas. Pour imaginer notre concept, nous avons interrogé directement les acteurs du monde de la coopération, comme les ONG. Elles nous ont remonté une vraie difficulté à recruter du personnel qualifié et expérimenté, les formations existantes formant de jeunes diplômés manquant de pratique et de savoir-faire métier avéré. Nous avons donc décidé de proposer un programme de formation aux personnes ayant déjà un savoir-faire métier et incluant une dimension pratique très importante : les missions d’application sur le terrain sont obligatoires et pleinement intégrées au processus pédagogique. Nous nous attachons également à faciliter l’intégration de nos stagiaires au sein du monde professionnel des ONG.
Pour synthétiser en deux points, l’ICI est donc résolument orienté vers le terrain et le suivi.
Au final, nous proposons 3 types de formation, s’adressant à 3 types de personnes :
- Pour ceux qui ne connaissent pas encore le monde de l’humanitaire et qui veulent le découvrir : nous proposons un module DAH, Découverte de l’Action Humanitaire, et qui s’adresse donc par essence à tout le monde, quel que soit l’âge, le métier, le projet professionnel. Ce module se compose de 2j de théorie et de 2 semaines de stage.
- Pour ceux qui ont déjà gouté à ce type d’expérience et qui veulent approfondir sans pour autant en faire un métier à part entière, nous proposons un programme IGPD, Initiation à la Gestion de Projet de Développement : 1 semaine de théorie + 1 mois de stage
- Enfin, pour ceux qui veulent se reconvertir complètement et faire de l’humanitaire un vrai métier porteur de sens. Nous proposons la formation ACP, Assistant Chef de Projet, composé de 2 semaines de théorie + 5 à 6 mois de stage d’application sur le terrain. C’est le point le plus innovant de l’ICI. Nous proposons une expérience complète et valorisable aux stagiaires et les ONG apprécient ces ressources qualifiées, car généralement des cadres expérimentés, capitalisant sur une première vie professionnelle, et donc rapidement opérationnels. Enfin, pour ces ONG, ce sont des ressources à disposition qui coûtent peu car tout est pris en charge par les fonds de reconversion ou de financement de formation professionnelle. Il faut bien comprendre qu’aujourd’hui, les ONG comptent beaucoup trop de profils juniors, donc sont friandes de ces personnes expérimentées et motivées.
Charly : Effectivement, j’avais noté la dimension très opérationnelle de l’ICI, avec beaucoup de stages et missions sur le terrain, cela m’avait beaucoup plu. Je note également le fait que tu ouvres également ton grand réseau afin de faciliter l’intégration de tes stagiaires au sein de ce marché du travail si particulier…
Envisager une reconversion professionnelle dans l’humanitaire !
Charly : Peux-tu nous donner des exemples de missions ? De métiers ?
Hervé : Volontiers ! En ce moment, nous avons une ancienne de chez Véolia qui fait de la coordination de projet en Haïti. Son objectif est de créer une cellule post-crise pour valoriser et mettre en musique les partenaires haïtiens locaux tout en coordonnant les actions des ONG et du gouvernement. Elle est pour l’instant en stage, au sein de son cursus de formation, et je n’ai aucune inquiétude pour elle pour la suite. Elle aura très certainement un poste dans une ONG et s’occupera par exemple de la gestion de camps de réfugiés, ou de la gestion logistique de support post-crise.
Un autre exemple : nous avons quelqu’un qui faisait de la veille stratégique et qui est aujourd’hui en stage avec « Action contre la faim » sur un programme à Madagascar en sécurité alimentaire.
Ou encore un ancien contrôleur de gestion qui va devenir administrateur de mission.
En fait, le secret pour rentrer dans les ONG, encore plus que dans tout autre secteur, c’est de construire une continuité de carrière via le savoir-faire métier. Une fois intégré à l’ONG grâce à vos compétences de base, vous pouvez faire vos preuves et envisager une évolution à d’autres postes au sein même de l’ONG. Je pense qu’on ne peut pas être en rupture complète pour rentrer dans un nouveau secteur, et c’est encore plus vrai dans l’humanitaire.
Pour réussir votre reconversion dans l’humanitaire : changez de secteur mais pas de métier !
Charly : Une continuité au niveau des compétences métiers ? Intéressant ! Je viens du monde de l’informatique où je sais que beaucoup rêveraient de changer de vie pour se lancer dans l’humanitaire. Est-ce que le secteur a besoin d’informaticiens ?
Hervé : Ce sont plutôt des postes sièges, il n’y a pas trop de besoins sur le terrain, et donc pas beaucoup de postes… Mais d’après ce que j’observe, beaucoup de ces « informaticiens » sont avant tout des professionnels de la gestion de projet. Dans ce cas, leur reconversion sera plus aisée et les ONG ont besoin de ces profils de manager de projet. C’est donc cette compétence qu’il faudra clairement démontrer et mettre en avant. Ensuite, ce qui va jouer, c’est surtout le savoir-être, les compétences comportementales.
Charly : Alors du coup, quelles sont ces fameuses qualités de savoir-être recherchés dans le secteur de l’humanitaire ?
Hervé : Il y a principalement 3 points de sensibilité. En premier lieu, les ONG recherchent des gens bien informés, qui ont une bonne connaissance du secteur, des réalités du monde de la Coopération, et qui développent donc la bonne posture : pas de charité, de regard naïf, etc… On cherche l’attitude juste. Deuxième point, on cherche des personnes avec beaucoup d’humilité et de modestie. Ceux qui sont trop sûrs d’eux et qui pensent que le monde a besoin d’eux, que ce sont des sauveurs et que tout va changer grâce à eux... ces personnes ne nous intéressent pas, ce n’est pas du tout la réalité du terrain où les relations avec les populations locales sont très professionnelles et équilibrées : nous donnons autant que ce que nous recevons.
Enfin, troisième indicateur, l’ouverture d’esprit, l’aptitude à s’intéresser et s’adapter aux autres cultures, sans juger.
Une fois ces 3 qualités validées, on titille éventuellement sur les langues, les voyages, etc…
Reconversion dans l’humanitaire : profil type et sources de financement !
Charly : Quel est le profil type des candidats que tu reçois en formation humanitaire ?
Hervé : Ce sont plutôt des femmes (70% des stagiaires), entre 40 et 45 ans, issues d’une catégorie socio-professionnelle CSP+ (cadre moyen ou supérieur), et venant de secteurs d’activités très variés : marketing, communication, supply-chain, contrôle de gestion… Leur point commun, c’est une expérience avérée et une vraie facilité à gérer et piloter des projets. Ces personnes sont également libérées d’obligations familiales au quotidien.
Charly : Quelles sont les principales sources de financement utilisées par tes stagiaires lors d’une reconversion dans l’humanitaire ?
Hervé : Je distingue principalement 3 sources différentes de financement :
- Tout d’abord, source principale, le financement de la formation directement par les entreprises dans le cadre d’un Plan de Départ Volontaire, d’un accompagnement à la reconversion professionnelle ou via un dispositif qui facilite les projets personnels et qui encourage les départs de l’entreprise.
- Ensuite, viennent les différents fonds de formation professionnelle : OPCA, Fongecif, etc…
- Enfin, on trouve les financements personnels : les stagiaires financent eux-mêmes leur formation, sur leurs fonds propres.
Reconversion professionnelle : dans 1an, je travaille dans l’humanitaire !
Charly : OK, imaginons, je veux me reconvertir dans l’humanitaire: comment dois-je m’y prendre ? Quel va être mon parcours ? Quel va être le timing ?
Hervé : Tout d’abord, pour la formation d’ACP (Assistant Chef de Projet), tu devras passer un entretien obligatoire avec moi pour identifier tes forces, tes faiblesses et tes chances de réussites. Il faut savoir que nous n’acceptons qu’un dossier sur 2, nous sommes pragmatiques et ne vendons pas du rêve. Si nous validons ton entretien, alors nous monterons ensemble ton dossier de financement. Dès que nous avons l’accord pour le financement, nous allons te chercher un stage d’application. Au niveau timing, cela peut aller très vite. Imaginons que tu poses ta candidature en janvier et que nous la validions, on devrait pouvoir obtenir l’accord de financement en mars, tu peux alors rentrer en formation théorique en avril et partir en juin en stage d’application. Tu seras alors revenu de mission en fin d’année. En un an à partir du moment où tu poses ta candidature, ta reconversion est bouclée !
Charly : En effet, cela peut être très rapide ! Mais avant de me lancer, comment savoir si cette vie professionnelle dans l’humanitaire est vraiment faite pour moi ? Comment être sûr de pouvoir m’y intégrer ? Je ne veux pas me tromper ou me retrouver sur le carreau…
Hervé : On a beau faire de l’humanitaire, on reste avant tout un secteur professionnel. Et comme dans tout secteur professionnel, tu vas devoir passer par un processus de recrutement. Nous nous assurons donc dans notre sélection de candidats et dans notre formation que tu seras capable de passer ce processus.
Ensuite, on va regarder ton parcours professionnel: est-ce que tu vas amener une vraie valeur ajoutée, est-ce que tu réponds à un besoin recherché par les ONG, etc…
En effet, il existe des fonctions et des métiers plus propices que d’autres, même si parfois, je fais des paris : le parcours professionnel ne correspond pas trop à ce que l’on cherche de prime abord, mais dans les qualités personnelles, dans la personnalité du candidat, on sent un gros potentiel. Ainsi, si la personne a conscience qu’elle n’a pas le profil idéal et qu’elle est prête à prendre le risque, nous la soutenons au maximum.
Un exemple assez incroyable : il y a 6 mois, un ancien ambassadeur de France m’a contacté. Il pensait qu’une fois à la retraite, en 2 ou 3 coups de fil, il trouverait facilement un poste dans l’humanitaire. Pourtant, malgré son réseau et son influence, il a été refusé de partout car il n’apportait aucunes compétences opérationnelles. Il ne s’est pas découragé et est venu me voir à l’ICI en me disant « je veux mettre les mains dans le cambouis !». J’ai alors fait un pari sur lui et je l’ai soutenu car j’ai été touché par sa volonté.
Mais pour répondre à ta question, finalement, si tu passes le processus de sélection et que tu t’investis à fond dans ta formation, que tu rentres de stage toujours aussi motivé, c’est que tu es sur la bonne voie !
Charly : Finalement, d’après ce que je comprends, le secteur de l’humanitaire ou de la coopération internationale est bien géré comme n’importe quel autre secteur d’activité et doit être abordé comme tel, avec plan de carrière, apport de compétences, processus de recrutement, apport de valeur ajoutée opérationnelle… ce ne doit pas être juste un fantasme !
Hervé : c’est exactement ça !
Préparer le retour : la reconversion professionnelle des acteurs de l’humanitaire !
Charly : Dis-moi, j’ai été contacté il y a peu par une personne en expatriation depuis 7 ans an Afrique, dans une ONG, et qui cherche un accompagnement/coaching pour préparer son retour en France, dans une vie professionnelle plus stable et moins exceptionnelle. D’où ma question : comment se passe le retour à la vie normale ? Comment doit-on le gérer ?
Hervé : C’est vrai que si c’est mal géré, le parcours professionnel dans l’humanitaire peut parfois devenir un process infernal : on est obligé de repartir sans cesse en mission car les entreprises classiques ne veulent pas de nous, et il faut bien travailler…
Pourtant, tu as raison de poser la question, c’est une problématique essentielle à traiter car ce métier ne peut être qu’un passage plus ou moins long dans une vie professionnelle, mais à un moment, inévitablement, on revient.
L’idée, c’est donc de préparer le retour avant de partir : est-ce que, avec mon parcours actuel et mon bagage professionnel, je peux revenir dans l’entreprise à l’issue de cette expérience ? En gros, puis-je capitaliser sur mon parcours avant ce passage par les ONG.
La conclusion, c’est donc qu’il faut bien un métier avant de partir. Et c’est exactement pour ça que le monde de l’humanitaire n’est pas forcément adapté aux jeunes diplômés, à qui je conseille toujours d’apprendre un métier et d’engranger de l’expérience avant de partir, justement pour pourvoir revenir facilement.
C’est important car parfois, les compétences acquises en ONG ne sont pas transposables en entreprise.
Parfois, ces candidats effraient également les recruteurs car ils ont peur que la personne s’ennuie au bout de 6 mois dans l’entreprise après avoir connu de si grandes émotions, et à juste titre je dois dire ! Il est indéniable que l’expatriation génère quand même de l’instabilité, tout comme l’entrepreneuriat en fait. Il faut donc bien rassurer les recruteurs qui connaissent cette réalité.
En complément du coaching que tu peux proposer via Cap Cohérence, il existe une association, « Résonances Humanitaires », qui travaille justement ce retour. Je connais bien cette association et je la recommande pour les personnes concernées. Elle est pilotée par Eric Gazeau, sur Paris, c’est un bon copain !
Nos conseils pour réussir votre reconversion dans l’humanitaire !
Charly : Pour conclure, quels conseils as-tu envie de donner aux futurs candidats, à ceux qui hésitent éventuellement à se lancer ?
Hervé : Ce qui est intéressant dans la vie, c’est que l’on peut avoir plusieurs vies ! Il faut ainsi se donner cette chance d’avoir plusieurs vies. Ceci est et sera d’autant plus vrai pour nos enfants.
Mon premier conseil serait déjà de ne pas se laisser submerger par son envie : il faut la raisonner sans l’étouffer. On sera ainsi d’autant plus serein face à ce secteur qui n’est vraiment pas simple à aborder.
Mon deuxième conseil : se dire que ce n’est pas définitif, comme on l’a vu, que ce n’est qu’un passage. Il faut donc préparer aussi bien l’entrée que la sortie de ce secteur. Il faut bien avoir en tête qu’à part quelques fous comme moi, on ne fait pas carrière dans l’humanitaire !
Enfin, tout en gardant l’envie intacte, il faut passer à l’acte mais pas n’importe comment. Il faut prendre conscience que l’action humanitaire est un secteur professionnel comme n’importe quel autre secteur marchand. Pour que ce travail soit bien fait, il ne doit absolument pas être un acte de générosité et il faut en avoir conscience. On doit toujours veiller à être dans un échange équitable : en donnant autant que ce que l’on reçoit. Ce processus d’échange doit être bien cadré.
Une fois que l’on a conscience de tout ceci et que l’on est prêt, cela reste une aventure intense et formidable !
A bientôt à l’ICI !