Happiness Manager, ou Manager du Bonheur, ou encore le Chief Happiness Officer (CHO), en français, le Responsable du Bonheur en entreprise, a pour objectif de favoriser les conditions dans lesquelles les salariés vont se sentir plus heureux au travail. Et parmi les nouveaux métiers émergeants, celui-ci a le vent en poupe. Quelques réflexions sur cette nouvelle profession...
A quoi sert un Happiness Manager ?
Sa mission est de permettre le bien-être au travail et d’améliorer la qualité de vie professionnelle de chaque salarié. En arrière-plan, se cache un autre objectif, celui de la performance et de la productivité. Car on le sait bien, un collaborateur heureux au travail sera beaucoup plus productif et efficace !
Ce nouveau métier, né aux Etats-unis, dans les startups et chez Google, est en train de se développer en France et commence à se professionnaliser. Même s’il n’existe pas encore de formation académique reconnue, aujourd’hui, il existe de nombreuses formations rentrant dans le dispositif de la formation professionnelle, qui délivrent une certification à l’exercice de ce nouveau métier.
Pourquoi avoir créé un nouveau métier alors qu’un Responsable des Ressources Humaines aurait été suffisant pour remplir la fonction qui consiste à favoriser l’épanouissement de ses collaborateurs ? Il semble que l’image des Ressources Humaines avait besoin d’être dépoussiérée et qu’une entreprise qui possède un CHO donne une image d’elle plus créative et plus moderne, et surtout plus attentive au bien-être de ses collaborateurs. Mais pourquoi insister autant sur cet aspect ? L’entreprise est-elle devenue à ce point inhumaine, pour qu’il faille rappeler que ceux qui la font fonctionner sont des êtres humains et qu’il faut les traiter comme tels ? Le Happiness Manager est considéré comme un plus pour l’entreprise, alors que je le vois plutôt comme le témoin d’une défaillance de l’entreprise : sinon pourquoi avoir besoin d’un Happiness Manager si les collaborateurs sont déjà épanouis dans leur travail, s’il n’y a pas de turnover élevé, ni d’absentéisme, s’il existe une bonne communication, et des dirigeants à l’écoute ?
Le profil du Happiness Manager ou du CHO (Chief Happiness Officer)
Quel est donc le profil idéal du Happiness Manager ? Quelles sont les qualités requises pour être à sa place dans ce rôle ?
Observation, analyse, synthèse, créativité, empathie, altruisme, écoute, sont les qualités de base à avoir. Mais il faut en plus savoir manager, gérer une équipe, gérer les aspects administratifs et RH, être moteur, fédérateur, médiateur et communicateur. Bref, il faut aimer l’humain, sincèrement, et comprendre son fonctionnement. Mais, il y a un mais !
Le Happiness Manager a un objectif : tout faire pour que les collaborateurs soient heureux au travail, certes, mais pourquoi ? Pour qu’ils soient plus productifs et plus rentables… pour l’entreprise. L’intérêt est bien donc là, l’entreprise n’est pas juste philanthrope.
Happiness Manager : en charge du bonheur des autres
Sur la question du bien-être et bonheur au travail, Cap Cohérence avait publié il y a quelques années un article fort instructif, vous pourrez le relire ici !
Quel est le rôle du Happiness Manager concrètement ? Il est en quelque sorte l’intermédiaire entre les collaborateurs et la Direction, il va servir d’interface. Par exemple, il va s’assurer que chacun a bien été payé, ou que l’environnement de travail est satisfaisant, ou encore que chacun a accès à des formations. Il peut aussi mettre en place un espace dédié à la détente ou la relaxation, et fait en sorte que les demandes de chaque collaborateur remontent bien à qui de droit. C’est à lui que revient l’organisation d’activités de team-building afin d’encourager le travail en équipe et favoriser la communication et la bonne entente entre collègues. Ce sont des exemples. Mais il arrive très souvent que le Happiness Manager s’occupe aussi de la comptabilité, ou de tâches administratives plus classiques. Bref, le Happiness Manager est multitâches dont la plus importante est d’être en charge du bonheur des autres.
Ce qui me gêne un peu dans tout ceci, c’est justement ce dernier point. Aujourd’hui, l’entreprise délègue à une personne, le Happiness Manager, la responsabilité du bonheur et du bien-être de ses collaborateurs. La charge est phénoménale ! Il y a là-dessous une double injonction, celle de la hiérarchie envers le Happiness Manager « je veux que vous rendiez les autres heureux », et celle du Happiness Manager à l’ensemble des employés « soyez heureux ». Mais le bonheur ne se décide pas. Ce n’est pas parce qu’on me dit « il faut être heureux » que je le serai, ce n’est pas parce que je vais pouvoir jouer au babyfoot entre midi et deux que je vais me sentir beaucoup plus épanouie !... La sensation d’épanouissement est quelque chose de subjectif. Peut-être qu’un collègue va se sentir bien à son poste parce que l’ambiance est bonne, parce qu’il peut participer à des activités avec ses autres collègues, mais un autre, dans la même situation, n’aura pas le même ressenti car ce qui le rend heureux ne peut pas être donné par l’entreprise, son bonheur à lui se situe ailleurs.
Si le Happiness Manager est vraiment à l’écoute de chacun, et qu’il propose un suivi personnalisé avec des actions concrètes et individuelles, alors oui, il peut contribuer au bonheur de chaque salarié. Mais est-ce réellement ce qui se passe ? Dans une grosse entreprise, le nombre de collaborateurs permet-il ce type de relation ? Je ne le pense pas. La solution dans ce cas est de mettre en place des propositions formatées, dans lesquelles on peut faire rentrer le plus grand nombre de collaborateurs possible. Même si on met en avant la liberté de chacun d’y adhérer ou pas, et heureusement, il s’agit d’entrer dans la case « bonheur », case que l’autre a formatée pour moi afin que je m’y adapte.
Et si on devenait nos propres Happiness Managers ?
Le recrutement d’un Happiness Manager est malgré tout une démarche louable. Cela témoigne d’une prise de conscience de ce mal-être individuel qui tend à se développer de plus en plus au sein de nos entreprises. Et surtout il s’agit d’une réponse aux obligations légales de l’entreprise en matière de protection des salariés et de qualité de vie au travail.
Mais cette réponse est-elle véritablement sincère ? Ne traduit-elle pas une certaine déresponsabilisation de nos dirigeants face à une attente légitime des collaborateurs ? Pourquoi un chef d’entreprise aujourd’hui se décharge-t-il sur un Happiness Manager d’une tâche qui lui incombe directement et qui est le bien-être individuel des salariés qui travaillent pour lui ? Doit-il s’occuper principalement du rendement, du profit, et laisser les relations humaines à d’autres, comme si ces relations ne méritaient pas qu’on s’y intéresse directement ? Et si tout cela cachait une peur d’avoir à gérer directement ces relations humaines ?
L’être humain est complexe, la relation entre humains est plus complexe encore. Peut-être est-ce la raison pour laquelle certains préfèrent passer la main ?
Et si la solution, pour les dirigeants, consistait en une meilleure connaissance de soi ? Apprendre à (mieux) se connaître, décrypter ses fonctionnements et être au clair avec ses propres dysfonctionnements afin de ne pas craindre le fonctionnement de l’autre, ce qui entrainerait obligatoirement une communication directe plus ouverte et plus authentique. Ne pas avoir peur d’affronter les demandes de l’autre, ne pas avoir peur de se remettre en question afin de proposer d’autres alternatives plus adaptées.
Les salariés les plus heureux au travail sont ceux qui se sentent considérés et reconnus par leurs dirigeants. Un dirigeant qui prendra la peine de téléphoner directement à son salarié en difficulté contribuera plus au bien-être de ce dernier, que celui qui demandera au Happiness Manager de mettre en place un barbecue un vendredi midi pour tous les salariés sans distinction, sans s’inquiéter de savoir si parmi eux certains sont plus en difficulté que d’autres. Prendre son téléphone est plus difficile à faire car on est confronté à l’autre et à sa demande individuelle. Cela suppose une empathie et une écoute authentique, une connaissance de soi suffisamment bonne pour ne pas se sentir déstabilisé par l’autre, quelle que soit sa demande. Bref, être un Happiness Manager en même temps qu’un Manager tout court.
N’hésitez pas à me contacter si vous décidez de mieux vous connaître et de devenir votre propre Happiness Manager !