Celui qui donne un coup de pioche veut connaître un sens à son coup de pioche. Et le coup de pioche du bagnard, qui humilie le bagnard, n’est point le même que le coup de pioche du prospecteur, qui grandit le prospecteur. Le bagne ne réside point là où des coups de pioche sont donnés. Il n’est pas d’horreur matérielle. Le bagne réside là où des coups de pioche sont donnés qui n’ont point de sens, qui ne relie pas celui qui les donne à la communauté des hommes. Et nous voulons nous évader du bagne. Antoine de St Exupéry
La motivation principale des personnes que j’accompagne dans le cadre d’une démarche de reconversion professionnelle, consiste avant tout, à (re)définir le ou les sens qu’elles souhaitent donner à leur pratique professionnelle et plus généralement à leur vie. Ce point crucial, éminemment subjectif reste pourtant l’une des principales clés d’entrée pour réussir dans cette démarche.
Il est très difficile de dissocier vie professionnelle de vie personnelle tant le travail aujourd’hui prend une place centrale occupant tout notre temps et notre espace. Selon Jacques Lafleur, psychologue Canadien, la vie même, serait devenue un job ! Entraînés dans ce tourbillon infernal, nous nous sentons obligés de gérer notre vie selon les objectifs de performance et les contraintes imposés uniquement par notre travail. A croire que seul le travail donnerait du sens, pourrait nous définir et suffirait in fine à nous rendre heureux.
D’un autre côté, l’entreprise tente de se substituer à nous pour offrir de ces sens, si j’ose dire « prêts à l’emploi » (exemple). Mais il apparaît assez rapidement que l’intérêt de l’entreprise quelle qu’elle soit, dans sa vision consumériste concomitante, ne peut heureusement (ou non), entièrement nous satisfaire dans toute notre humanité et notre diversité.
Aussi, en partant du constat cher à Boris Vian « Je ne veux pas gagner ma vie, je l’ai », je vous pose la question « Que souhaitez-vous faire de votre travail, de votre vie ? ».
Qui nous sommes, fait sens. Ce sens qui fait d’une plaie - un médecin, d’une saveur – un chef cuisinier, d’une main habile – un charpentier, d’une injustice – un homme de loi, d’un rêve – un astronaute. C’est en général par cette problématique abordée notamment en coaching de reconversion professionnelle que je vous invite humblement à partager maintenant au travers de ces quelques réflexions.
Manquer de sens
Si tu ne peux voir que les obstacles, c’est que tu as quitté le but des yeux.
Qu’est-ce qui fait le stress du dimanche soir, la haine du lundi, ce mal-être lancinant ou le manque d’enthousiasme, de motivation dès que notre supérieur nous sollicite. C’est quoi ce besoin de reconnaissance, cette frustration que même notre feuille de paie ne suffit plus en fin de mois, à endiguer. C’est quoi cette recherche permanente de perfection à tout prix qui nous étouffe. C’est quoi ce lien perdu entre qui nous sommes et ce que nous faisons, si ce n’est cette perte de cap, de sens.
Carl Jung prétendait que la possibilité de donner un sens à quelque chose permettait de supporter presque tout, et que l’absence de sens conduisait à la maladie. Au regard du nombre de burn-out, de personnes stressées, de désirs de reconversion, de difficultés d’orientation pour les jeunes, d’intégration pour la génération Y, l’évidence semble bien là…..
Nous n’avons pas tous un ou des idéaux fermement ancrés en nous, nous ne nous battons pas tous pour de nobles causes. Nous ne possédons pas tous la vocation innée ou l’ambition d’être un calife à la place du calife comme unique objectif. Nous ne travaillons pas tous pour seulement, ne nous épanouir qu’au travail. De même dans cette logique simpliste, se retrouver au chômage ou à la retraite ferait de nous des hommes n’ayant plus de sens et donc sans valeur? Non ! Le travail est l’un des moyens de donner du sens à ce que nous faisons, mais il n’est pas porteur de sens par lui-même. Il aura le sens que nous lui donneront à l’image de l’anecdote des 3 tailleurs de pierres de Charles Péguy (ci-après).
Enfin si nous en prenons le temps, nous nous apercevons qu’il y a une vie après et hors du travail. Et que cette vie est source de sens et donc d’épanouissement, de motivation, de créativité et de bien-être. La preuve, certains même ne travaillent uniquement que pour payer leurs factures et se réaliser à l’extérieur de la sphère professionnelle.
A chacun donc de trouver sa place, son rythme, son équilibre dans une éthique personnelle qui lui convient. Y réussir n’est qu’une simple histoire de juste proportion à réajuster souvent.
C’est à nous seul de trouver du sens à ce que nous faisons plutôt que de croire qu’un métier, une fonction nous fournira la réponse. La réponse est en nous quand bien même il n’est pas toujours aisé de la découvrir ou de la redécouvrir.
Définir un sens
Même si la vie n’a pas de sens, qu’est-ce qui vous empêche de lui en inventer un ? Lewis Caroll
Un sens se construit à partir de nos valeurs, de nos aspirations, de nos convictions profondes, et de nos talents qui orientent et guident notre vie. Ils sont en nous multiples, transverses et variés : on peut les retrouver dans les grands domaines de vie suivants : personnel, couple, famille, amitié, professionnel et social.
Les valeurs donnent du sens à nos actes, à nos pensées, à nos comportements.
Le sens n’est pas limité ni par le nombre, ni par le temps, ni par leur importance. Il évolue, il doute parfois, selon la manière dont nous le nourrissons ou pas. Pour autant, il n’est pas nécessaire de développer des grandes théories complexes, l’amitié, la famille, la santé par exemples, peuvent être des fondements puissants à nos sens. Le sens peut également se partager au travers de causes qui nous dépassent. Trouver du sens à ce que l’on fait, c’est plus pas facile que c’est compliqué parce que c’est un travail sur soi pour soi. Il nous faut y consacrer du temps pour y réfléchir, le définir et l’entretenir régulièrement. Définir nos sens, nous aidera à construire notre identité (estime de soi + confiance en soi + affirmation de soi). Vivre selon nos sens, nous permet de ressentir de la fierté, le désir de s’impliquer, un sentiment d’appartenance, du plaisir, de la motivation et de l’énergie et de la joie de vivre !
(Re)trouver du sens
Le paradis tout comme l’enfer peut-être terrestre, nous les emmenons avec nous partout où nous allons. Christophe Colomb
La première chose, si ce n’est la principale consiste à réajuster notre relation au temps. Il est indispensable de se donner du temps pour soi et du temps pour réfléchir, prendre du recul. Inscrire dans notre agenda outlook, un rendez-vous, de 15 minutes deux fois par semaine peut déjà bien nous aider à défaut de pouvoir modifier le rythme de travail imposé.
Profiter d’un week-end, de vacances pour nous poser et inscrire dans votre journal intime, les valeurs du moment qui nous importent. Nous former et pratiquer la méditation régulièrement nous permettront de mieux respirer et de vérifier l’adéquation et la cohérence entre nos pensées et nos actes.
Utiliser l’échéance de notre entretien professionnel, pour nous projeter et déterminer nos besoins (ambition, efforts, finances, mode de vie….etc.,…)
Quotidiennement tenter de penser toujours positif à la mode « 3 kifs par jour » accepter de ne pouvoir tout gérer, accepter l’imperfection.
S’entourer de gens bienveillants, à l’écoute, ouverts, prêts à la découverte et au partage. Éloigner tous les autres !
Se détendre et pratiquer régulièrement au moins une activité physique ou sportive avec l’objectif de ressentir un bien-être physique uniquement!
Donner du sens
Mieux vaut allumer sa petite bougie que maudire les ténèbres. Lao Tseu
Le sens au travail comme dans les autres parts de notre vie, ne prend forme que dans l’action. A travers cette liste de verbe, chacun peut y décliner et valider son projet professionnel.
s’approprier
se prouver
partager
s’exprimer
s’intégrer
se donner
Nul besoin de faire en permanence référence au sens que nous avons choisi… D’aucuns pourront se satisfaire de partager du temps voire un peu d’argent de leur salaire pour qu’un orphelin à l’autre bout du monde puisse réussir, d’autres chercheront à s’investir fortement dans les valeurs défendues par l’entreprise et la société (l’écologie, le tutorat ou l’apprentissage, l’économie participative, la contribution à des œuvres sociales, à la sauvegarde du patrimoine, l’art…..). Enfin, certains s’attacheront à des causes plus grandes que leurs petites personnes (la politique, la liberté, l’injustice, la spiritualité…).
A chacun sa contribution au monde, chacun a sa part à faire fièrement.
Sens unique
Ne jugez pas chaque journée par votre récolte, mais par les graines que vous avez plantées. Robert Louis Stevenson
Le devoir, l’amour et la souffrance qu’on le veuille ou non, donnent du sens à nos vies et nous aident bien souvent à nous révéler. Parmi les pièges à éviter, nous pouvons croire, à l’opposé, que le sens de la vie, le sens d’un travail ne se trouve que dans le plaisir. C’est un peu tronqué. Peut-on vraiment toujours s’éclater dans un job ? Il est vrai que l’on ne fait bien que ce que l’on aime. Pour autant, cela peut nous demander bien des efforts pour atteindre la satisfaction. Il suffit de remarquer les stigmates de certains métiers sur le corps pour en prendre conscience.
De même, la course effrénée de notre vie moderne, ne nous permet pas toujours de bien distinguer l’action de l’agitation : répondre à toutes les sollicitations, multiplier les causes, vouloir être de tous les combats, ne pas tolérer l’imperfection ou la gratuité de nos actes, peut nous donner l’illusion de l’efficacité. Nourrir nos sens demande de la concentration, du travail, du doute, de la profondeur et du temps pour que nous puissions en tirer un quelconque bénéfice pour nous-mêmes comme d’ailleurs, pour les causes que nous défendons.
Enfin, à défaut de lutter contre l’Etre et l’Avoir, nous pouvons tenter de les réconcilier à l’image de ce poème :
Bon sens
L'idéal est pour nous ce qu'est une étoile pour le marin Il ne peut être atteint mais il demeure un guide. Albert Schweitzer
Nous ne maîtrisons pas toujours les événements qui nous impactent, mais nous choisissons comment réagir face à eux en faisant toujours de notre mieux. Tout notre pouvoir tient dans cette aptitude à prendre conscience et à faire face en nous appuyant sur nos valeurs et en agissant dans le sens que nous avons fixé. Alors, même si nous n’avons défini qu’un cap, une direction grossière et imprécise, voire une simple intention, nous allons pouvoir, petit pas par petit pas, avancer le « cœur léger » dans notre nouveau projet professionnel.
Si cet article vous a plu, je vous remercie d’avance de bien vouloir le partager autour de vous.
Merci également de votre petite contribution en indiquant via les commentaires, 3 sens qui vous animent sur le plan professionnel.
Vincent Gaillard