Il est fréquent que nos clients Cap Cohérence qui souhaitent être accompagnés pour réfléchir à une potentielle reconversion viennent à nous après avoir lu différents témoignages de reconvertis sur notre blog. C’est un peu comme si la lecture de ces parcours leur faisait dire que c’était peut-être possible pour eux aussi. Et, je confirme, c’est possible ! En voici un nouvel exemple avec le témoignage de Loïc qui s’est prêté au jeu de l’interview…
Bonjour Loïc, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
J’ai 49 ans. Marié, nous vivons avec nos trois filles en proche banlieue parisienne depuis une vingtaine d’années.
Vous avez eu un parcours scolaire brillant et un début de carrière prometteur, pouvez-vous nous en dire plus sur ces premières années ?
Brillant je ne pense pas mais « honorable » sans doute. Plus jeune j’étais un élève de niveau correct, bien plus motivé par le sport que par toute autre matière! Pas très attiré par les études j’ai eu des envies d’Ecole Hôtelière après la 4°…j’adore cuisiner. Mes souvenirs de cette période sont un peu flous ; toujours est-il que mon entourage familial, plutôt porté vers l’excellence académique, m’a remis dans le droit chemin d’un parcours très exigent, prometteur d’une belle carrière. Pas vraiment rebelle j’ai donc suivi un cursus plus conventionnel, sans trop me poser de question et sans conviction forte : Baccalauréat scientifique avec mention, prépa HEC, école de commerce, stage à Londres, embauche chez Unisys à Paris puis expatrié à Londres avant de rentrer à Paris pour rejoindre Cisco….
Et tout ça sans réfléchir. Ça coulait de source, pas un grain de sable pour enrayer la mécanique : Promotions régulières que j’acceptais toujours ; quelles plus belles preuves de réussite ?Tellement réconfortantes pour mon ego toujours en quête de réassurance ; avais-je vraiment envie de ces nouveaux « challenges »?
La question était très vite balayée par mon inconscient, plus enclin à valoriser les signes extérieurs d’une belle reconnaissance sociale, mais aussi flatté par la démonstration évidente que moi aussi je pouvais réussir ! Et que dire de la voiture de fonction encore plus belle, des stock-options qui accompagnent le nouveau job, des voyages un peu partout sur la planète, des soirées dans de somptueux hôtels! Je suis en train de réussir, tout simplement. Ça fait tellement plaisir, et ça se voit.
Que s'est-il passé ensuite ?
J’ai toujours évolué dans le domaine du contrôle de gestion pour arriver à des postes de Directeur Financier, presque par hasard. Je n’ai jamais eu de plan de carrière. Métier passion ? Ça n’y ressemble pas vraiment, même si je me suis épanoui dans ces rôles. En revanche, j’ai sans doute eu les yeux plus gros que le ventre en acceptant des postes qui, petit à petit, m’obligeaient à de trop nombreux compromis avec ce que j’étais au fond de moi.
Avec du recul, je trouve très intéressant ce processus de compromission progressive, ce phénomène par lequel l’entreprise, comme toute collectivité, sous couvert de Culture d’Entreprise, peut mettre en veilleuse, avec notre assentiment, des caractéristiques de ce que nous sommes individuellement. Intéressant en ce sens qu’il est discret, progressif. Ou comment faire de petits arrangements avec notre conscience, petit à petit, pour adhérer à l’intérêt général. Ce glissement s’est accompagné pour moi, comme expliqué précédemment, de « récompenses » individuelles, de reconnaissances publiques aussi, avec divers « Awards » ; comme autant d’encouragements à jeter un voile pudique sur mes questions existentielles.
Souvent ces encouragements arrivaient, comme par hasard, au moment où mes doutes devenaient trop envahissants. Comme si une autorité supérieure savait quand intervenir, quand me relancer pour quelques mois ou années. La recette était la bonne pour m’éviter une remise en question trop sérieuse et sans doute compliquée. Je n’avais pas envie de soulever le couvercle de la marmite; après tout, l’Entreprise savait reconnaître mon engagement, et grâce à elle je me valorisais auprès de ma famille, de mes proches, et de moi-même. Malgré tout, les jobs étaient très intéressants ; je me suis épanoui et j’ai travaillé avec certaines personnes fantastiques.
Néanmoins, je commençais à prendre conscience de mon enfermement, comme dans une prison, mais une prison dorée ! J’avais de plus en plus de difficultés à enfouir mes petits désaccords, à adhérer pleinement à la marche de l’entreprise. La Quitter ? L’herbe est-elle plus verte ailleurs ? C’est tentant d’aller voir mais c’est risqué. On se rassure entre collègues qui vivent la même situation : Finalement nous sommes plutôt bien lotis, et puis, avec l’ancienneté, ce serait dommage de démissionner sans profiter d’un « package » qui permettrait de mettre la famille à l’abri quelques temps.
A bien y réfléchir je rentrais dans une spirale négative avec une motivation fléchissante, néfaste pour moi, et pour l’entreprise bien-sûr. Jusqu’au moment où le décalage devint trop évident.
Votre corps a alors fait ce que vous ne parveniez pas à faire avec votre tête, que s'est-il passé ?
D’une certaine manière, oui. Des nuits ponctuées de réveils à 2h du matin, le cerveau en ébullition, connecté en wifi sur l’entreprise, à voir défiler des bouts de raisonnements inaboutis à propos des multiples sujets que j’avais à traiter. Des nuits à jouer une conversation contradictoire avec un patron ou un collègue, à construire un dialogue en articulant tout ce que j’aimerais leur dire mais qu’ils n’entendront jamais.
Des diners en famille où je suis physiquement présent mais mentalement absent, le cerveau toujours connecté à l’entreprise, indisponible pour mon cercle familial le plus proche. Je me retrouve à poser plusieurs fois les mêmes questions sans imprimer les réponses. Quelques malaises liés au stress, à l’angoisse ; mal de dos, coup de chaud, hyperventilation, sternum contracté
Mais ce n’est pas grave, je continue, c’est un mauvais moment à passer, il faut relativiser…Je ne suis pas capable de mettre le doigt sur le problème, mon cerveau refuse de s’épancher sur ce mal être qui n’est pas ponctuel mais qui depuis quelques temps déjà s’est établi, comme un état permanent.
Jusqu’au jour où, avant une conférence téléphonique avec mon patron et son équipe, durant laquelle je dois faire un rapport d’avancement sur un sujet important, je fonds en larme. Je m’isole pour tenter de me calmer ; sans réellement y parvenir. Mes souvenirs sont un peu brouillés mais il me semble que c’est un collègue qui avertit un représentant du personnel avec lequel je vais passer un moment, en larme mais prêt à retourner au feu. Je dois absolument participer à cette conférence téléphonique !
Que me faudra-t-il pour enfin réaliser que cette situation ne peut pas durer ? Sur le moment c’est le représentant du personnel qui me pousse à relativiser, à rentrer chez moi et voir un médecin ; ce que je ferai dans la journée même… je ne suis jamais retourné sur mon lieu de travail.
Avec du recul, c’est incroyable de voir jusqu’où j’ai dû pousser mon corps pour qu’il prenne le dessus sur mon cerveau et décide de jeter l’éponge, sans que j’en prenne la décision. Le fameux burnout.
Comment avez-vous réagi à ce burnout ?
Le premier sentiment fut celui de la culpabilité. J’ai quitté mon travail, j’ai laissé mon équipe en plan, et tous les dossiers sur lesquels j’avais la main, tous aussi urgents les uns que les autres, sont en suspens. Car le médecin m’arrête immédiatement avec interdiction de répondre au téléphone, à mes mails et messages vocaux. L’urgence est de déconnecter. Je me sens responsable de cette situation, je n’ai pas su gérer.
La culpabilité s’accompagne vite d’un sentiment d’échec ; d’autres avaient craqué avant moi mais d’autres s’en sortent très bien… Je n’ai pas réussi, finalement.
Arrive vite un extrême soulagement induit par deux phénomènes : le premier est la reconnaissance de mon état par l’entreprise et la communication, par l’entreprise, de cet état à mes interlocuteurs professionnels. Quel soulagement, je peux « officiellement » me débrancher pour quelques temps. Le deuxième est celui d’être pris en charge, par ma femme surtout, et par ma famille, mon frère, ma sœur. Quel réconfort, ceux pour qui je n’étais plus disponible depuis longtemps, m’entourent, m’épaulent, me rassurent. Mais passons le burnout qui n’est pas au cœur de notre sujet. J’ai donc pris un bon break en quittant l’entreprise. Je suis parti au Népal, puis aux Etats-Unis en famille.
Rapidement, ce sont les cabinets d’outplacements qui interviennent pour que je retrouve un emploi au plus vite…il faut faire attention à ne pas rester sur la touche trop longtemps !
Je suis le plan écrit par ces institutions (échanges en groupes, entrainement aux entretiens, cv, pitch…), mais je ne suis pas prêt. C’est trop tôt, je n’ai pas digéré et je ne suis pas capable de capitaliser, de « bonifier » mon expérience de burnout. Je prends donc des demi-mesures, sachant quand même qu’il fallait changer quelque-chose…un petit peu. Je décide alors de faire des missions ; comme ça je suis indépendant, libre, je travaille sur un sujet précis pour un entreprise, efficace, puis je passe à autre chose.
Ma première mission s’est très bien déroulée ; je suis prêt à repartir de l’avant pour rapidement trouver un poste (CDI) de direction financière dans une PME. Après tout, pourquoi ne pas capitaliser sur mon expérience professionnelle passée, c’est quand même le plus simple. C’est vrai aussi qu’à l’approche de la cinquantaine, il faut faire attention à ses choix sous peine de se retrouver hors circuit ; on me l’a beaucoup dit, il y a une part de vérité.
Finalement, qu'est-ce qui vous a permis de changer de point de vue pour laisser naître l'idée d'un changement plus profond ?
Cette expérience ne se passe pas bien, situations complexes, stress, manque d’intérêt, perte de motivation, environnement anxiogène, changement de Direction…J’en profite pour partir à l’amiable. Ouf, je suis soulagé.
Je repars au Népal pour gravir un sommet et en rentrant, je tombe sur une très belle annonce : Poste de Directeur Financier à dix minutes de la maison, très bien payé. Génial. Je réponds. Entretiens. Embauche en dix jours, il y avait urgence. Enfin j’ai trouvé une boîte et un poste qui vont me correspondre ! J’en doute un peu mais je mets mes doutes de côté. Finalement, mon burnout, c’était surtout à cause de mon boss non ?
Ça a duré six mois. Pas de motivation pour prendre le job à bras le corps, situation particulière en interne également, difficulté à appréhender certains sujets conflictuels, sentiment d’incompétence, stress, angoisse, STOP. Je profite à nouveau d’un changement de Direction pour partir à l’amiable. Quel soulagement ! C’est la deuxième fois d’affilée que je pars suite à un changement de Direction…
Je prends ça comme un signe : Cette fois j’ai compris, enfin. Inconsciemment je savais que ce poste n’était pas fait pour moi, mais je n’étais pas encore prêt à l’accepter. Ce fut l’expérience dont j’avais besoin pour avoir le vrai déclic. Je sais maintenant que je dois avoir une réflexion sérieuse, et je vais l’avoir ; c’est décidé. De quoi ai-je vraiment envie ? Je suis prêt à m’écouter, à aller au fond de moi-même pour tenter une aventure différente, sans avoir aucune idée de ce qu’elle pourrait être.
Finalement le burnout m’a permis d’entamer une réflexion, réflexion qui n’a pas abouti car je ne lui ai pas laissé le temps. Je me suis fait rattraper par mes obligations, par la norme, par les conventions, pour rapidement enchainer sur deux nouvelles expériences, quasi similaires, et rapidement infructueuses. J’avais sans doute besoin de ce temps pour réaliser que j’avais maintenant besoin d’autre chose pour m’épanouir.
Et comment avez-vous abordé cette nouvelle perspective ?
J’ai vite pensé aux lieux dans lesquels je me sens bien, à mes rêves de gamin d’être berger en montagne, je suis très terrien, voire terroir. D’ailleurs, mes différentes expéditions en Himalaya n’étaient-elles pas une forme de fuite vers un refuge intime ?
J’ai la chance d’avoir une famille soudée et bienveillante. Ma femme est très ouverte et rassurante. Elle m’encourage à faire quelque chose que j’aime, même si nous devons changer nos habitudes. Ce fondement solide m’encourage à une vraie remise en question.
Bien décidé à ne pas replonger le nez dans le guidon, je commence à surfer sur le WEB… « Reconversion professionnelle » … « S’épanouir au travail »… quelques mots clefs m’emportent, au gré de mes humeurs, sur des sites orientés épanouissement personnel, sur d’autres plus terre à terre, sur des guides pratiques pas si pratiques que ça. Jusqu’au jour où je parcours le site de Cap Cohérence, dont la philosophie semble répondre à mes attentes : prendre le temps de s’écouter sans tomber dans les travers de la Quête perpétuelle.
L’objectif demeure de gagner sa vie, mais avec la ferme conviction qu’en allant au-delà de la vision classique « un métier un salaire », c’est tout à fait possible en faisant des choses qu’on aime. J’ai donc commandé votre livre sur la reconversion professionnelle.
Ce fut le départ d’une aventure pour revenir à l’essentiel (qui suis-je ?), avant de progressivement me projeter pour construire un projet et m’ancrer dans le concret. Je dois avouer que j’ai pris un grand plaisir à laisser parler mon cœur, sans contrainte, sans penser aux freins, aux obligations. J’ai eu un peu peur parfois, à me demander si cette démarche n’était pas farfelue ; mais où tout ça va-t-il bien pouvoir me conduire ? J’ai beaucoup sollicité mes proches pour valider les avancées de mes réflexions, au fur et à mesure de mes pérégrinations.
J’ai réussi à lâcher prise comme on dit, à me laisser emporter sans toujours ramener mes pensées à la rémunération, à ma situation existante. Une fois mes activités rêvées définies j’ai commencé à ajouter une dose de compromis que j’étais prêt à faire…ou pas.
Aujourd'hui, vous êtes sorti de cette prison dorée pour finalement vous lancer dans un projet ambitieux et plus cohérent pour vous, pouvez-vous nous en dire plus ?
Bien sûr. Après m’être formé pendant six mois, je me suis lancé dans l’apiculture avec l’ambition de m’associer à des entreprises qui souhaitent participer à un projet très concret de développement durable. Je leur propose d’être partenaire exclusif d’un rucher (une quinzaine de ruches) dans un site naturel à fort besoin de pollinisation, et je leur offre une gamme de services autour de cette thématique. J’ai mes premières ruches, j’ai défini mon offre, je l’ai testée et suis prêt à aller à la rencontre d’entreprises pour leur proposer un partenariat. C’est un réel bonheur de façonner une petite entreprise à mon image - Happycultures - faite d’activités que j’aime. Même si c’est encore trop tôt pour le savoir, je compte bien m’employer à respecter mon business plan (déformation professionnelle bien utile) et en tirer une rémunération suffisante pour satisfaire à nos besoins.
Et comment vous sentez-vous avec cette nouvelle liberté ?
Apaisé, à ma place, motivé sur le chemin d’une certaine renaissance, même si le terme peut sembler fort. C’est trop tôt pour savoir si le projet sera une pleine réussite mais le cheminement est très riche et m’apporte beaucoup de satisfactions, c’est déjà énorme. Je mets beaucoup d’énergie dans ce projet et quoi qu’il advienne, il restera une expérience qui aura permis de me redécouvrir et d’approfondir les relations avec mes proches, ce qui est émotionnellement fort et me rend plus heureux.
Pour conclure, quel conseil aimeriez-vous donner à quelqu'un qui est enfermé dans une prison dorée et s'en trouve insatisfait ?
C’est difficile de donner des conseils trop précis car il n’y a que des cas particuliers. Trois idées peut-être :
- Tout d’abord, c’est la volonté de ne pas avoir de regret plus tard qui m’a donné le courage de me remettre en question.
- Ensuite, je ne me suis sans doute pas écouté assez tôt. Si c’était à refaire j’essayerais de ne pas négliger trop longtemps les signes de malaise, d’inconfort.
- Et enfin, ne pas avoir peur de se mettre à nu, de se lancer dans l’inconnu. L’expérience est belle et fait grandir ; ma relation aux autres n’en est que plus riche et profonde.
Je me dis maintenant qu’il n’y a pas de but ultime dans ma vie, juste le besoin d’être bien dans l’instant, pour ne pas avoir de regret.
Voilà une belle philosophie de vie. Merci Loïc pour ce beau témoignage.
Cher lecteur, j’espère que ce récit vous aura permis de considérer autrement la prison dorée dans laquelle vous vous sentez enfermé, pour peut-être un jour oser la quitter. Et si cette perspective de liberté vous inquiète, vous savez que vous pouvez compter sur les coachs Cap Cohérence pour vous accompagner dans cet envol. :)
Au plaisir de vous aider à ouvrir les portes,
Annabelle pour Cap Cohérence