Quand on a le goût de transmettre et l’envie de partager ce que l’on sait, l’idée de devenir formateur germe facilement dans notre tête. C’est ce que j’observe souvent en séance avec mes clients en coaching de reconversion.
Alors, pour vous donner un éclairage sur ce métier passionnant, et finalement peu connu, j’ai eu envie d’interroger quelqu’un qui prend le métier de formateur au sérieux tout en y prenant énormément de plaisir. J’ai donc discuté pour vous avec Marine Dumoulin, formatrice de formateurs, dirigeante de « Vis ma vie de formatrice ».
Devenir formateur par plaisir : un parcours pas à pas
Pour beaucoup de nos lecteurs, l'idée de devenir formateur se forge avec le temps, et devient un projet de reconversion professionnelle. Il me semble que c'est aussi pour vous un métier qui a suscité votre intérêt après quelques années à travailler dans tout autre chose. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Tout à fait. J’ai commencé dans la vie en étant animatrice et comme je partais de zéro, j’ai passé, à l’époque, un diplôme d’état nommé BPJEPS.
J’ai évolué au fil des années : Je suis devenue directrice d’accueil de loisirs/ séjours de vacances et j’ai également eu des missions en tant que coordinatrice. J’ai eu cette envie d’évolution car je voulais, d’une part, avoir plus de responsabilités et que je me heurtais, d’autre part, parfois aux valeurs de ma hiérarchie qui étaient différentes des miennes. Donc ce n’était pas toujours évident de communiquer ou de mener à bien des projets car il n’y avait aucune vision commune.
Quand j’ai obtenu mon BPJEPS, j’ai voulu continuer mes études en allant à la fac.
C’est dans ce cadre que j’ai commencé à avoir une véritable posture de formatrice car mes camarades de classe n’avaient aucune expérience professionnelle en lien avec l’animation. Je me plaisais à répondre à leurs questions et à leurs doutes. C’est comme ça que tout a commencé !
Les personnes qui me parlent de leur envie de devenir formateur me parlent généralement de leur souhait de transmettre, d'être un soutien pour les autres, d'être dans l'interaction constructive. Je crois savoir que c'est cette expérience qui vous a donné l'envie et l'idée d'aller vers la formation, pouvez-vous nous raconter ?
Oui je prenais vraiment du plaisir à répondre aux questions de mes camarades.
Je pense qu’à cette période, une graine a été semée car quelques mois après l’obtention de mon DUT carrières sociales, j’ai voulu aller partager mes expériences de terrain de manière plus officielle. J’ai donc postulé pour être formatrice BAFA. Lors de la première session BAFA, je n’étais pas à l’aise car je ne savais pas tellement comment me comporter. J’ai eu la chance d’être entourée de collègues formateurs qui ont accompagné ma montée en compétence. Deux ans après, je dirigeais des formations BAFA du haut du mes 26 ans et j’encadrais des formations BAFD. Et comme je sentais que je pouvais aller encore plus loin, je suis devenue salarié au sein d’un organisme de formation un an après et je formais sur des diplômes d’état : BPJEPS et DEJEPS.
Les compétences au cœur du métier de formateur
Vous êtes devenue formatrice professionnelle sans passer par la case "diplôme", étape qui dissuade certains de se lancer de peur de devoir s'arrêter de travailler pendant plusieurs années. Malgré tout, le métier de formateur requiert des compétences bien particulières, d'après vous, quelles sont les compétences les plus importantes pour devenir un formateur professionnel compétent ?
Effectivement, dans le milieu de l’animation (et dans d’autres) je ne connais aucun recruteur qui demande un diplôme de formateur. Pour avoir été référente de formation, quand je recrutais ce qui m’intéressais le plus était les compétences de la personne en lien avec la thématique de la journée. En d’autres termes, je cherchais ce qu’on appelle « un expert métier ». Je me chargeais de lire le déroulé pédagogique des formateurs et de le revoir avec eux quand il y avait des parties à modifier (au regard des apprenants et de ce que je voulais impulser dans la promo dont je m’occupais).
Et au regard de ma propre expérience, aucun recruteur ne m’a jamais demandé un diplôme de formateur : que ce soit dans le milieu de l’animation ou celui de la formation (car je forme actuellement des formateurs à monter en compétences).
Cela étant dit, être formateur ne s’improvise pas. Il y a des compétences et qualités clés essentielles à avoir :
- avoir de la rigueur,
- être organisé,
- recueillir les profils/besoins/attentes des apprenants,
- structurer un déroulé pédagogique « timé » et séquencé,
- poser un cadre en matinée,
- répondre aux questions des apprenants,
- gérer le temps en formation
- être dans l’écoute et dans la bienveillance à tout instant,
- avoir de l’amour pour l’être humain,
- être patient,
- ne rien prendre personnellement,
- gérer les émotions des apprenants et gérer ses propres émotions,
- réguler le groupe ou les individualités si nécessaire
- et remettre en question ses pratiques.
Vous êtes aujourd'hui formatrice de formateurs, vous intervenez face à des publics très variés. Pour prolonger ma question précédente, diriez-vous qu'il y a un point commun spécial à tous les formateurs qui s'épanouissent dans ce métier ?
Ce que j’aime dans mon métier c’est le contact humain. C’est stimulant et challengeant à la fois car je ne sais jamais ce qui peut se produire dans ma salle de formation. Je pose un cadre avec chaque groupe et nous définissons des règles de vie commune mais mes apprenants restent des êtres humains : des êtres d’émotions. Pour répondre à cette question, je vois trois points communs potentiels : aimer les gens, vivre différemment chaque journée de formation (même en étant sur une même thématique) et rencontrer de nouvelles personnes toutes les semaines !
À aucun moment je n’ai le temps de m’ennuyer ! Et ça, j’adore !
Et en tant que formatrice de formateurs, est-ce que vous auriez un conseil à donner aux personnes qui veulent devenir formateur ?
Mon parti pris est de ne jamais donner de conseils tant qu’un formateur ne me l’a pas demandé. Donc cher lecteur, si tu continues à me lire c’est qu’un conseil t’intéresse (voir plusieurs).
J’invite toute personne qui souhaite devenir formateur à :
- Commencer par croire en elle : c’est ce qui lui permettra de soulever des montagnes dans des périodes moins funs,
- S’intéresser à la pédagogie, sociologie, gestion des émotions et aux neurosciences car nous travaillons avec des êtres humains,
- S’intéresser à la technicité d’un formateur : récolter les besoins, créer des objectifs pédagogiques, créer un déroulé pédagogique…
- S’intéresser à des outils de communication et notamment à des outils de communication Non Violente (Rosenberg, D’Ansembourg) pour se faire comprendre avec douceur,
- S’intéresser aux profils de personnalité (DISC, MBTI, process com…) pour venir répondre aux besoins de chaque apprenant dans sa salle de formation,
- Et surtout, de se donner le temps d’apprendre, de comprendre et de se donner le droit de faire des erreurs ! Ça fait 8 ans que je forme et parfois ça m’arrive encore de me tromper. Et je trouve que c’est la beauté de notre métier : de faire au mieux pour anticiper mais de ne jamais pouvoir être sûr de mettre en place la bonne action car nous travaillons avec des êtres humains.
Devenir formateur pour être indépendant
Dans votre choix de devenir formatrice, vous avez choisi d'être à votre compte. La grande question que me posent les personne qui souhaitent devenir formateur indépendant est: est-ce qu'on peut en vivre ? A en croire votre exemple, la réponse est "oui". Pouvez-vous nous dire comment vous vous y prenez pour développer votre entreprise sur ce domaine de la formation ?
Effectivement, on peut très bien gagner sa vie ! Après, à la différence du salariat, si on ne met aucune action en place, notre chiffre d’affaire ne décollera pas. L’objectif est vraiment de se mobiliser pour avoir des clients ! Parfois il y a des périodes de creux et des périodes de rush !
De mon côté je mets en place deux stratégies différentes pour avoir des clients :
- Des clients qui viennent me démarcher grâce à l’inbound marketing. J’ai pris du temps pour publier sur les réseaux (Youtube, LinkedIn, Facebook) en 2020 et 2021. Au départ, j’avais l’impression de faire ça dans le vide car je n’avais aucun retour sur investissement (et cela m’avait pris beaucoup de temps). Et c’est là où il faut faire preuve de patience. Fin 2021 et encore à ce jour, des prospects me contactent car ils souhaitent collaborer à mes côtés et je suis contactée (donc reconnue) pour participer à des évènements en live en tant qu’invitée et à des podcasts.
- De la prospection via des annonces pour travailler en tant que sous-traitante
À mon sens, la stratégie la plus efficiente, au-delà de ce que je partage au-dessus, est de diversifier ses sources de chiffre d’affaire.
Se lancer à son compte est à la fois très facile - ça se fait en 3 clics - et à la fois très compliqué - c'est endosser 5 métiers différents -, comment vous y êtes-vous pris ? Avez-vous des conseils à donner à nos lecteurs qui s'imaginent devenir formateur indépendant ?
Je ne suis pas sûre d’être la personne la plus à même de conseiller à ce sujet car quand je me suis lancée, je partais de zéro. J’ai fait un plongeon dans le grand bain en commençant par faire un magnifique plat ! Si j'avais un conseil à donner à ceux qui se lancent, c'est de prendre le temps de comprendre les différents statuts juridiques pour faire le meilleur choix et d'avoir en tête les différentes dépenses, les impôt,…
C’est important de comprendre aussi qu’être indépendant c’est un véritable état d’esprit ! Les jours ne sont pas toujours roses et pourtant il faut continuer à se mobiliser pour faire entrer du chiffre d’affaire.
Il faut bien se rendre compte que quand on démarre et qu’on ne délègue rien, on a toutes les casquettes de l’entreprise : marketing, animation de formation, ingénierie pédagogique, comptabilité, rendez-vous client, administratif… À moins d’avoir un bagage ou un vécu impressionnant, on n’est pas formé à tout cela. Rien n’empêche les formateurs de suivre des formations de courte durée pour monter en compétences dans ces domaines.
De mon côté, je vis mieux les contraintes que quand j’étais salariée (par exemple l’administratif m’ennuie) car je m'organise comme je veux et que je choisis mes clients.
Former, c’est kiffer !
Pour conclure, si vous aviez en face de vous, un de mes clients qui hésite à devenir formateur malgré ses capacités, ses qualités et son envie, qu'aimeriez-vous lui dire ?
Si tu n’avais pas peur de l’échec ou du regard des gens, qu’est-ce que tu ferais ? Ou encore : tu n’as qu’une vie, comment as-tu envie de la vivre ?
Au départ, je me posais 1000 questions : Qui suis-je pour former ? Qu’est-ce que je vais apporter aux gens ? Et il y a eu cette phrase prononcée par une femme entrepreneure : « tu n’as pas besoin d’être à 10/10 pour aider des gens qui sont à 2/10. »
C’est ce qui m’a convaincu de me lancer !
Aujourd'hui, je prends beaucoup de plaisir dans mon métier. Si les apprenants que j’ai eu dans ma salle de formation pouvaient participer à cette interview, c’est également ce qu’ils vous diraient. La formation est mon meilleur terrain de jeu ! J’en apprends sur les autres et aussi sur moi-même tous les jours !
De mon point de vue, dans ce milieu, il n'y a pas de concurrence. Un client te choisit pour qui tu es, ton style, ton empreinte, ta manière de parler, les émotions que tu lui fais ressentir, ton amour pour ce que tu fais. Il n’y a pas deux personnes comme toi ce qui signifie qu’il y a une place pour toi et des clients qui n’attendent que toi. J’en suis la preuve vivante.
Alors, tu nous rejoins quand ?
Merci beaucoup Marine pour ce témoignage empli d’amour et de vitalité !
Amis lecteurs, si vous avez déjà un pied dans la formation et que vous voulez continuer à progresser dans vos compétences de formateurs, rendez-vous sur le site de Marine : vismaviedeformatrice.fr.
Et si vous hésitez à vous lancer, vous savez que vous pouvez me contacter directement pour en discuter et travailler sur ce qui coince en coaching. Ce sera avec plaisir !
Annabelle pour Cap Cohérence